3 mai 2013 | Claude Lévesque | Canada
Coupes dans le budget de l’aide publique au développement, intégration de l’ACDI au sein du ministère des Affaires extérieures et du Commerce international, désintérêt d’Ottawa pour le Conseil de sécurité de l’ONU : le moins que l’on puisse dire, c’est que le monde québécois de la coopération internationale est perplexe, pour ne pas dire inquiet. Une seule certitude à ses yeux : le gouvernement fédéral ne le consulte pas et ne reconnaît pas ses compétences.
Par ailleurs, le projet de doter le Québec de sa propre agence de la « solidarité internationale » est bien perçu par les participants au dîner-causerie qu’organisait jeudi le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), mais à condition que celle-ci ne place pas elle aussi les intérêts politiques et commerciaux avant ceux des populations déshéritées.
« On a vu une dégradation de la relation entre les organisations de coopération internationale et le gouvernement fédéral, a noté Denis Labelle, président du conseil d’administration de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI). Le dialogue est fermé. On ne reconnaît pas notre expérience et notre expertise. » Selon M. Labelle, les partenaires dans les pays récipiendaires, par ricochet, ont de moins en moins voix au chapitre à l’ACDI.
Pour Claudia Black, directrice générale du Centre d’étude et de coopération internationale (CECI), l’intégration de l’ACDI dans le MAECI pourrait amener plus de cohérence dans les politiques canadiennes, mais risque aussi d’éloigner l’ACDI de sa mission première, qui est la réduction de la pauvreté et la promotion des droits fondamentaux. Par ailleurs, croit-elle, le rôle accru du secteur privé dans la livraison de l’aide étrangère peut créer de l’emploi, mais indique que la priorité va aux intérêts commerciaux du Canada. « C’est maintenant affiché publiquement »,dit Mme Black.
« L’action dans la durée a été déterminante pour aider les femmes à créer des microentreprises. Or, on voit de plus en plus d’actions de courte durée. C’est le danger de l’approche des gains rapides »,a fait remarquer Denise Byrnes, directrice générale désignée d’Oxfam-Québec.
Une agence québécoise
En février, Québec a exprimé son intention de créer sa propre agence d’aide internationale. « Ce n’est pas une grimace faite à Ottawa et à l’ACDI », affirme Denis Labelle de l’AQOCI, qui signale que le Québec met en oeuvre des programmes de coopération internationale depuis plusieurs années.
« Il faudra surtout construire cette agence autour de nos compétences et en faire quelque chose de typiquement québécois », a proposé Anne Gaboury, p.-d.g. de Développement international Desjardins.
« On ne peut pas être contre le fait que Québec accorde de l’importance au développement international, mais il faudra éviter de créer une mini-ACDI et il ne faudra pas nous forcer à choisir entre Québec et Ottawa », lance Claudia Black, du CECI, qui invite Québec à investir 0,7 % de son PIB dans l’aide au développement.
Cette aide a souvent mauvaise presse parce qu’on a l’impression que « plus ça change plus c’est pareil ». « Moi, je ne fais pas ce constat d’échec,s’oppose Anne Gaboury. Quand on retourne sur le terrain en Afrique, on peut voir des institutions financières qui ont été mises sur pied grâce à la coopération internationale et qui fonctionnent encore très bien, même si les gestionnaires de l’ACDI ont conclu à l’échec du projet. »
Source : Le Devoir, section politique, 3 mai 2013, Claude Lévesque
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