Ce texte prend racine dans l’histoire des luttes que les femmes mènent partout dans le monde. Il s’inspire de l’engagement reflété dans le slogan de la Marche mondiale des femmes: Nous résistons pour vivre, nous marchons pour transformer !
Par: Emilia Castro, Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF)
ENSEMBLE, nous chassons la peur.
ENSEMBLE, nous nous soutenons.
ENSEMBLE, nous vaincrons l’oppression.
ENSEMBLE, nous y arriverons.
Sans liberté, sans égalité.
Il n’y a ni droits, ni dignité…
– Collectif LAS TESIS (Chili)
Les femmes se sont organisées afin de revendiquer, lutter et s’impliquer dans toutes les régions du monde afin que les valeurs d’égalité, de liberté, de solidarité, de justice et de paix portées par la Charte mondiale des femmes pour l’humanité, soient une réalité que nous soyons du nord ou du sud. Nous avons résisté, en avançant des revendications et en participant activement dans les mobilisations partout dans le monde afin de construire des sociétés plus justes et solidaires qui tiennent compte des besoins et des propositions portées par les femmes. Nous provenons de différents horizons mais ce qui nous unit c’est notre profond désir de changer l’ordre des choses.
Suite à l’organisation de la Marche du pain et des roses par la Fédération des femmes du Québec, marche organisée en 1995 pour contrer la pauvreté des femmes, nous avons compris que la création d’un mouvement international était nécessaire et urgente. Dans le contexte mondial où les systèmes d’oppression sont étroitement liés, notre concertation à travers nos luttes et nos solidarités était essentielle partout sur la planète. L’apport des organisations comme l’AQOCI et ses groupes membres fut fondamental pour concrétiser ce projet.
Nous avons établi des liens serrés pour faire avancer nos droits car nous avons compris que c’est à travers des solidarités fortes et communes que nous pouvons changer le monde. En 2000, la Marche mondiale des femmes est née de cette conviction, celle d’unir nos forces entre femmes d’ici et d’ailleurs.
Nous constatons que les systèmes d’oppression (capitaliste, patriarcal, raciste, colonialiste, hétérosexiste) sont présents au nord comme au sud. Les oppressions ont des spécificités, et en même temps elles sont imbriquées, elles se nourrissent les unes les autres. Nous en subissons les conséquences dans nos territoires et nous les vivons au quotidien dans nos vies.
La mondialisation de l’économie de marché se développe en fonction des grandes entreprises et des multinationales. Elle appauvrit un nombre croissant de femmes, tant au nord qu’au sud. On assiste également à une multiplication de conflits armés dans des régions pauvres qui touchent particulièrement les femmes et les enfants. Les violences à l’égard des femmes continuent d’être une réalité universelle : violence conjugale, agressions sexuelles, mutilations sexuelles, viols systématiques en temps de guerre…
Ces constats nous amènent à nous doter des réseaux organisés pour répondre adéquatement aux défis de l’heure. Nous nous sommes investies avec énergie et passion dans un mouvement féministe et anticapitaliste qui lutte contre toutes les formes d’inégalités et de discriminations. Les valeurs et les actions que nous menons visent un changement politique, économique, social et des stéréotypes culturels. Le cœur de notre implication s’articule autour de la mondialisation de la solidarité, l’égalité entre les femmes et les hommes, entre les femmes elles-mêmes et entre les peuples, le respect et la reconnaissance de la diversité entre les femmes, la multiplicité de nos stratégies, la valorisation du leadership des femmes et la force des alliances entre les femmes et avec les autres mouvements sociaux progressistes.
L’éducation populaire féministe est un outil que nous privilégions pour consolider et renforcer nos mouvements. La Marche mondiale des femmes (MMF) en alliance avec Indigenous Environmental Network (IEN), Grassroots international (GRI) et Grassroots Global Justice Alliance (GGJ), a organisé une école de formation qui porte le nom de Berta Cáceres, en l’honneur de cette militante qui a été assassinée au Honduras pour avoir lutté en faveur des droits autochtones, de la terre et de l’environnement. Notre source d’inspiration, c’est l’approche de Berta Cáceres qui préconisait un travail d’articulation des différentes luttes et des différentes visions. Nous avons mis l’accent sur le féminisme de base, nourri par les différentes expériences vécues par les femmes, en partageant nos connaissances afin d’atteindre nos objectifs communs.
Au cours de notre formation, nous nous inspirons de ce féminisme de base, de l’agroécologie, de l’économie féministe, etc., en discutant des correspondances et des significations de ces concepts dans nos pays. Nous partageons nos expériences respectives et des outils utilisés dans le cadre de l’économie féministe.
Cette économie féministe est une proposition et une stratégie favorisant la construction internationale du féminisme populaire. Cette alternative nous aide à comprendre les réalités économiques à partir des lieux où vivent les femmes : là où elles sont organisées et résistent aux rythmes et à la violence du capital contre la vie, où elles disputent chaque centimètre de territoire à l’agro-industrie transnationale et à l’exploitation minière. Là où elles construisent des communautés à partir des relations de soin avec les gens et la nature, de la production agroécologique et de l’économie solidaire. Ainsi, l’économie féministe n’est pas une théorie fermée ; elle est en mouvement – et elle est produite par le mouvement. « Nous devons passer de la pratique à la théorie », ont déclaré les militantes lors de la Réunion internationale de la Marche mondiale des femmes aux Philippines (MMF) en 2011, affirmant le féminisme populaire en tant que producteur de connaissances.
L’histoire des femmes nous démontre l’importance et la nécessité de construire des relations indéfectibles entre nos organisations du nord et sud. Le CQFD de l’AQOCI est un acteur important pour concrétiser cette solidarité au niveau mondial. Le processus de réflexion et de consultation en vue de dégager une nouvelle stratégie de justice sociale de genre rejoint les orientations de la MMF. Cela nous apparaît extrêmement pertinent.
Le CQFD, comme lieu de recherche, d’analyse et d’expertise francophone demeure un acteur de premier plan sur les questions touchant aux droits des femmes et à l’égalité des genres. La coconstruction entre femmes du sud et du nord est déterminante pour atteindre les valeurs prônées par la Charte mondiale des femmes pour l’humanité : égalité, liberté, solidarité, justice et paix.
Nous sommes des militantes féministes qui portons dans le cœur et dans la tête la volonté de changer les choses et pour cela nous établissons des solidarités avec les femmes du monde. Il nous reste tant à faire, au niveau économique, social, culturel et politique. Notre lutte doit être permanente pour atteindre nos objectifs de changement.
Nous l’avons réitérée lors de la dernière rencontre internationale :
Nous nous réaffirmons en tant que mouvement féministe populaire, anticapitaliste, anti-impérialiste, antiraciste, anticolonial et anti-hétéronormativité. D’où notre proposition de continuer de grandir et d’actualiser nos pratiques et nos réflexions.
Nous marcherons contre les guerres et contre le capitalisme, pour la souveraineté des peuples et le bon vivre !
– Déclaration de la 13 e Rencontre Internationale de la MMF (2023)
Emilia Castro. Militante, Marche mondiale des femmes
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