Dans le cadre de son engagement à travers la Concertation pour Haïti, l’AQOCI appuie l’initiative de plusieurs organisations féministes haïtiennes qui, dans une lettre publiée le 30 mai 2025, dénoncent un processus de réforme constitutionnelle mené sans consultation réelle du peuple, et particulièrement sans la participation des femmes.
Un projet de Constitution sans nous
Nous, organisations féministes haïtiennes, unies par notre engagement pour la démocratie, la justice sociale et l’égalité entre les sexes, exprimons notre vive inquiétude par rapport au processus de réforme constitutionnelle en cours. Cette réforme, organisée dans l’opacité la plus totale, est illégitime dans sa forme comme dans son fond et constitue une menace grave pour les droits du peuple haïtien.
Un processus sans véritable consultation populaire, sans transparence : Selon l’Accord du 3 avril 2024 sur la conduite de la période de transition —Accord que le Conseil présidentiel de transition (CPT) s’est bien gardé de publier— les propositions de révision constitutionnelle doivent être issues des assises de la Conférence nationale. Pourtant, le 21 mai 2025, un avant-projet de constitution a été rendu public par le Comité de pilotage d’une conférence nationale qui n’a jamais eu lieu et qui s’érige de manière arbitraire en assemblée constituante. Le document ne comporte aucun exposé des motifs justifiant la proposition.
Aucune consultation populaire sérieuse n’a été organisée, ni sur la faisabilité d’une réforme constitutionnelle dans le contexte actuel, ni sur ses orientations. Le processus n’a intégré aucun mécanisme pour favoriser une représentation significative des populations, en particulier celle des femmes et d’autres groupes marginalisés comme la paysannerie. La démarche reproduit les structures traditionnelles d’exclusion.
Le texte proposé a été conçu à huis clos, par une poignée de gens, dans des conditions qui contournent les principes élémentaires de la souveraineté populaire. Pas de diffusion du rapport du Groupe de travail sur la constitution (GTC) remis au CPT le 3 janvier 2025, ni de prise en compte de ses recommandations ; Pas de débats ; Pas de communication sur le nombre et le profil des organisations consultées ; Pas d’information sur le coût de l’opération ; Pas de version créole du projet de constitution ; Pas de mécanisme d’accompagnement pour favoriser l’appropriation du texte par le plus grand nombre ; Court délai d’un mois accordé à la population pour réagir.
Une réforme faisant fi de la conjoncture : Lancer une réforme constitutionnelle dans un contexte où la population ne peut ni circuler librement, ni s’exprimer, est une imposture politique. Dans un pays soumis à une violence extrême par les gangs armés criminels et à un effondrement de l’État, prétendre refonder la nation sans le peuple, sans ses femmes, est non seulement inacceptable mais dangereux.
Toute réforme constitutionnelle doit être précédée d’un processus inclusif, démocratique, transparent et sécurisé. Cela implique :
- La création d’un cadre formel de participation, inclusif et tenant compte du contexte sécuritaire ;
- L’ouverture d’un véritable débat public, organisé par une structure crédible ;
- La suspension immédiate de toute tentative de valider un texte élaboré sans base populaire.
Nous, organisations féministes signataires, le rappelons haut et fort : On ne réforme pas un pays sans son peuple. On ne peut refonder Haïti sans ses femmes.
Port-au-Prince, le 30 mai 2025.
Organisations signataires : Solidarite Fanm Ayisyèn – SOFA, Kay Fanm, Fanm Deside, Fondation TOYA.
Sabine Manigat, féministe indépendante.
Pour authentification
Marie Frantz Joachim, Directrice exécutive de SOFA
Contact : (+ 509) 47 65 88 33) // [email protected]
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