Montréal, 8 juin 2017
Son Excellence le Président de la République d’Haïti,
Monsieur le Président,
La Concertation pour Haïti est un regroupement d’organismes québécois de solidarité et de développement œuvrant en Haïti engagé dans la défense des droits humains en République Dominicaine.
Nous tenons à vous faire part de nos vives préoccupations au sujet des expulsions de la République Dominicaine de plusieurs dizaines de milliers de personnes migrantes haïtiennes de même que des personnes dominicaines d’ascendance haïtienne devenues apatrides suite à l’arrêt 168-13 du Tribunal constitutionnel de la République Dominicaine. Nous sommes également très préoccupés par les conditions extrêmement précaires dans lesquelles ces personnes se retrouvent une fois en Haïti.
En vertu de l’arrêt 168-13, une loi de 1929 qui accordait la nationalité dominicaine aux personnes nées dans ce pays et à leurs descendants a été annulée, rendant ainsi apatrides 250 000 personnes dominicaines. La République Dominicaine ne cesse d’expulser un grand nombre de ces apatrides vers Haïti.
Sont aussi expulsées des personnes ressortissantes haïtiennes travaillant en République Dominicaine en tant que personnes migrantes. La majorité d’entre elles ne possède pas de permis de séjour dans ce pays et ne peuvent en obtenir parce que dépourvues de papiers d’identité haïtiens. Le gouvernement haïtien porte une part de responsabilité dans ces expulsions, vu l’incapacité des gouvernements successifs à émettre actes de naissance, cartes d’identité nationale et passeports, documents que toute citoyenne et citoyen d’un pays est en droit d’obtenir des autorités de son pays.
Dépourvus de cartes d’identité ces personnes migrantes haïtiennes ne peuvent accéder au Plan national de régularisation des étrangers – PNRE – mis en place par le gouvernement de la République Dominicaine, cet accès étant de surcroît compliqué en raison des ratés et tracasseries des autorités dominicaines.
Une fois en Haïti, les personnes expulsées, dépouillées de leurs maigres biens restés en République Dominicaine, se retrouvent en situation de refuge dans des abris temporaires, sans services, sans sources de revenus. Les programmes existants d’aide à ces personnes expulsées sont malheureusement insuffisants.
Nous déplorons le manque de détermination des récents gouvernements d’Haïti dans leurs relations avec leur voisin dominicain quant à ces questions. Salaires de misère, conditions de vie déplorables et racisme sont le lot des descendants d’Haïtiens et des ressortissants haïtiens qui sont expulsés au gré des luttes politiques et des aléas de l’économie dominicaine.
Nous demandons au gouvernement d’Haïti de prendre en considération les recommandations suivantes :
- Nous souhaitons que le gouvernement haïtien accélère le processus de remise de documents d’identité, de certificats de naissance et de passeports et que le personnel administratif ait les outils nécessaires pour remplir leur mission dans des délais rapprochés.
- Nous insistons aussi auprès du gouvernement haïtien sur l’urgence d’agir rapidement afin d’empêcher la poursuite d’expulsions massives de milliers de personnes inscrites au Plan national de régularisation des étrangers qui n’ont pu y avoir accès ou dont le dossier n’aura pas été traité à cause des retards accumulés par ce Plan et ce, en vue de la date butoir prévue du 18 juillet 2017.
- Nous demandons au gouvernement haïtien d’inclure dans ses pourparlers avec la République Dominicaine la restitution de la nationalité dominicaine aux personnes d’ascendance haïtienne qui en ont été déchues par l’arrêt 168-13 du Tribunal constitutionnel de ce pays.
- Nous souhaitons que le gouvernement haïtien rétablisse l’instance binationale pour la modernisation de la frontière afin que cela soit bénéfique non seulement pour les échanges commerciaux entre les deux pays, incluant les petits commerçants haïtiens, mais également pour mieux contrôler la circulation des personnes.
Veuillez recevoir, Excellence, nos respectueuses salutations.
La Concertation pour Haïti
– Alternatives
– Amnistie internationale
– Association québécoise des organismes de coopération internationale
– Centre international de solidarité ouvrière
– Centre Justice et Foi
– Comité de Solidarité / Trois-Rivières
– Développement et Paix
– Église Unie du Canada
– L’Entraide missionnaire
– Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec
– Société pour le reboisement d’Haïti
– Solidarité-Haïti
– SUCO
– Terre Sans Frontières
c.c.
Premier ministre, Jack Guy Lafontant
Ministre Stéphanie Auguste, Ministère des Haïtiens Vivant à l’Étranger
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