Il y a tant à dire sur la tragédie humaine qui frappe le peuple de Palestine depuis 75 ans que sa terre est colonisée par Israël. Soixante-quinze années de massacres, de terreur, de spoliation de terres, de destruction au bulldozer des trois-quarts des villages existants, de bafouement des droits, de déracinement d’oliviers centenaires – quand on sait la place que tient l’olivier dans la symbolique de la Palestine –, de détournement des ressources hydrauliques, de brûlage des récoltes, de confiscations et de démolitions de maisons, d’emprisonnements administratifs même de mineurs, de déplacements forcés, d’humiliation, de refus du retour des réfugiés, de mépris du droit international, de volonté d’effacement de toute trace, dans l’espace et dans le temps, de la présence palestinienne, etc.
Par : Naima Bendriss[1]
Sociologue, ayant milité à “Objection de conscience”, à “Solidarity for Palestinian Human Rights” et à “Échec à la Guerre” (Maroc et Québec)
Retour sur la Nakba
La création illégitime de l’Etat d’Israël en 1948 a donné lieu à la Nakba (la catastrophe) et à une intense et rapide modification de l’espace de signification palestinien, au profit de la mise en place d’un espace israélien. Un aménagement du territoire avec l’objectif d’invisibiliser l’histoire de la Palestine et de matérialiser le mythe fondateur de l’Etat hébreu à travers le fameux slogan sioniste “Une terre sans peuple pour un peuple sans terre”, expression de la négation du peuple de Palestine. L’idée de l’implantation d’un foyer juif en 1897, donc déjà au XIXème siècle, dans une “terre déserte” ou “colonisable”, légitime l’entreprise coloniale du sionisme au cours d’un siècle marqué qu’il était par le colonialisme européo-centriste et son postulat suprématiste: civiliser les barbares. Et cet aménagement, inscrit dans la logique même de la pratique sioniste, s’intensifiera, d’une part, en réduisant comme une peau de chagrin le territoire de la Palestine et d’autre part, en élargissant les frontières vers d’autres pays. Tous les gouvernements israéliens qui se sont suivis depuis 1948, et quelle que soit leur formation politique, socialisante ou conservatrice, libérale ou totalitaire, laïque ou religieuse, ont tous un dénominateur commun: “l’occupation de l’espace palestinien est une condition sine qua non de la réalisation de l’utopie sioniste” (Bishara Khader : 1984 : 147).
En s’appropriant les huit dixièmes du territoire palestinien lors de sa création, Israël a provoqué l’éclatement de la société palestinienne et la dispersion de son peuple. Il a du coup mis fin à la nationalité palestinienne en portant un rude coup à l’identité palestinienne. Les Palestiniens qui sont demeurés dans la partie du territoire palestinien occupée par Israël, sont devenus Israéliens. Mais ils sont devenus Israéliens de seconde zone, distingués de la population dominante, catégorisés sur la base de leur religion et leur appartenance ethnique et minorisés en fonction de leur statut de colonisés. Les Palestiniens expulsés de leur terre se sont soit installés dans des camps de réfugiés, soit ont migré vers d’autres pays. Le reste de la population vit entre la bande de Ghaza et la Cijordanie, à la merci d’une redoutable force coloniale et d’un régime d’apartheid.
Situation à Ghaza après le retrait d’Israël
Un pourcentage de 75% des Ghazaouis sont des réfugiés qui vivent dans des camps de réfugiés dans la bande de Ghaza et dont les familles ont été expulsées de leurs villes ou villages en 1948, lors des agressions par la Haganah, le Palmach, Stern, l’Irgoun et le Lehi, des groupes paramilitaires juifs qui ont semé la terreur parmi la population palestinienne avec la bénédiction de la Grande-Bretagne mandataire à l’époque. Ces organisations armées du mouvement sioniste avaient pour visée la fondation d’un grand Etat juif sur les deux rives du fleuve Jourdain. Elles s’emploiront pour ce faire, de 1920 à 1948, à attaquer les Palestiniens, à les terroriser pour les obliger à fuir leur terre. Elles fourniront par la suite les cadres de l’armée israélienne, Tsahal, fondée le 26 mai 1948 et donneront lieu à des formations politiques d’extrême droite, dont le Likoud, dirigé actuellement par Benjamin Netanyahou. Depuis la création d’Israël en 1948 et leur expulsion de chez eux, les Ghazaouis sont, de génération en génération, des réfugiés sur leur propre terre.
En septembre 2005, Israël, de manière unilatérale, opère le retrait des forces militaires et de police civile ainsi que l’évacuation des 21 colonies juives peuplées de quelques 8 000 colons qui étaient installés dans la bande de Ghaza, après 38 ans d’occupation suite à la conquête de ce territoire par Israël, lors de la guerre de juin 1967. On aurait pu penser, avec ce retrait, à une meilleure situation de vie des Ghazaouis. Mais c’était sans compter avec les politiques coloniales sionistes et la volonté des dirigeants israéliens, de droite comme de gauche, d’annihiler ce peuple et de briser tout élan de résistance de sa part contre l’occupation de sa terre.
La situation s’est considérablement détériorée dans la bande de Ghaza avec un durcissement de l’attitude des gouvernements successifs israéliens, marquée par de meurtrières et dévastatrices interventions militaires, depuis la fin de 2008. Ces interventions mettent à mal les principes posés par les soi-disant Accords de paix d’Oslo, dont ceux de l’autonomie et de l’unité territoriale. Les perspectives d’un règlement pacifique du conflit, si tant elles étaient sincères et souhaitées, sont foncièrement anéanties par la puissance coloniale. Ses politiques, notamment celles relatives à la guerre d’usure et au nettoyage ethnique disent tout de ses l’objectif de la création d’un Grand Israël épuré de tout sang non juif.
Le gain des élections par Hamas rejeté par l’Occident
Par ailleurs, après une âpre lutte de pouvoir dans la bande de Ghaza entre le Hamas (parti de tendance islamiste) et le Fatah (parti de Yasser Arafat puis de Mahmoud Abbass), le Hamas remporte les élections législatives qui se sont tenues le 25 janvier 2006 afin d’élire un nouveau Conseil législatif palestinien. Suite à sa victoire, le Hamas prend le contrôle de la bande de Ghaza. Soulignons ici, qu’une part très importante de femmes a voté pour ce parti. Le Fatah se retire alors de la bande de Ghaza et ne contrôle plus que la Cisjordanie (enfin si on peut vraiment parler de contrôle lorsque l’on vit sous occupation sioniste). Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass, n’est en fait qu’une parodie d’autorité.
Depuis la victoire du Hamas en juin 2007 dans la bande de Ghaza, on assiste à une volonté acharnée des dirigeants israéliens d’asphyxier la population ghazaouie
Les élections législatives se sont déroulées sous haut contrôle et la mission d’observation des élections mandatée par l’Union européenne a clairement déclaré que le scrutin s’est déroulé en toute transparence et régularité. Et pourtant, cette même Union europénne ne reconnaît pas ces résultats qui ont donné lieu à la victoire du Hamas qu’elle qualifie depuis de groupe terroriste. Pressentant la victoire du Hamas, Israël qui avait pourtant créé et financé ce mouvement islamiste afin de casser la gauche palestinienne, a manoeuvré fort pour saboter les élections. Et les Etats-Unis ont eux, tenté d’évincer le Hamas après sa victoire. Pour ce faire, ils ont armé une force palestinienne conduite par les partisans du Fatah et dirigée par un certain Mohammed Dahlan, natif de Ghaza et proche à l’époque de Yasser Arafat. Dahlan avait participé aux accord d’Oslo en 1993 et avait contribué à la création de l’Autorité palestinienne. Il lui avait alors été confié le poste de chef des Forces de Sécurité préventive de la bande de Ghaza. En 2005, il occupera le poste de ministre des Affaires civiles dans le gouvernement de Mahmoud Abbass.
Depuis la victoire du Hamas en juin 2007 dans la bande de Ghaza, on assiste à un bras de fer entre ce parti et le Fatah donnant lieu à des combats fratricides. On assiste surtout à une volonté acharnée de la part des dirigeants israéliens d’asphyxier la population ghazaouie, soutenus qu’ils sont dans cette action criminelle par la communauté politique internationale qui ne reconnaît pas l’autorité de Hamas, décrété depuis comme un “groupe terroriste” gouvernant un “territoire hostile” et à la tête d’une “population belliqueuse”. L’abondante utilisation du terme « terroriste » appliqué spécifiquement au Hamas et par conséquent au peuple palestinien va avoir des répercussions dont on ne mesure pas encore l’ampleur.
Le blocus de la bande de Gaza et son impact sur la population
Le blocus illégal, imposé par Israël à la bande de Ghaza depuis la prise du pouvoir de cette zone par le Hamas en juin 2007 et appuyé par l’Egypte qui ferma son poste-frontière de Rafah, a mis à rude épreuve la vie sociale et économique des Ghazaouis. Ce Blocus est toujours en vigueur en 2023, soit 17 années plus tard. Comme le rappellent régulièrement Human Rights Watch et Amnesty International, les conséquences de ce blocus sont désastreuses pour la population ghazaouie et met gravement en danger la vie des enfants qui en constituent la moitié. En effet, ce blocus a entraîné un drame humanitaire pour la population de Ghaza à tous les niveaux. Il a été maintes fois denoncé par le Conseil de sécurité des Nations unies et par plusieurs organisations non gourvenementales. Mais sans nul effet.
L’impunité totale dont jouit Israël lui permet de commettre le blocus contre la population de Ghaza, bien qu’il s’agisse d’un crime de guerre
Le blocus terrien, maritime et aérien employé contre la population de Ghaza comme mesure punitive collective est un crime de guerre selon le droit international. Mais l’impunité totale dont jouit Israël lui permet de commettre ce crime. Le blocus a engendré une grave crise humanitaire. Plus de 80% de la population ghazaouie vit en dessous du seuil de pauvreté et 80% dépend de l’aide humanitaire
De plus, ce blocus est payé par le territoire palestinien à qui cela a coûté 17 milliards de dollars, soit six fois la valeur de son PIB, entraînant une chute de celui-ci par personne de 27% (Rapport des Nations unies publié en novembre 2020)[2].
L’appellation de « prison à ciel ouvert » ne pouvait mieux décrire la situation d’encagement et d’emmurement dans laquelle les Ghazaouis survivent, encerclés tout autour qu’ils sont de l’extérieur par des barrières électrifiées et privés de tout, même des produits de base. Machiavélique, Israël calcule même la quantité de protéines qui doit entrer dans l’enclave.
En 2008, l’accès maritime est limité pour la bande de Ghaza par la Notice to mariners No.6/2008 et le transport maritime interdit. De même qu’elle est empêchée d’installer des infrastructures portuaires. Les pêcheurs ne peuvent pêcher au large et doivent se contenter de naviguer dans la zone proche de la côte au risque de se faire tirer dessus par les gardes frontières israéliens. Et des enfants qui jouent paisiblement au ballon sur la plage peuvent être tués de sang-froid comme le furent Mohammed, Ahed, Ismaïl et Zakarya Bakr, ces quatre garçons de la même famille, abattus par un tir d’obus le 16 juillet 2014.
Depuis que la bande de Ghaza est soumise à une politique de bouclage, la population fait face à une crise humanitaire. Les fréquents bombardements aériens de celle-ci effectués par l’aviation israélienne endommagent les installations sanitaires et détruisent les systèmes d’approvisionnement en eau et en électricité. Ils ravagent les quartiers en démolissant génératrices, maisons, écoles, centres de santé, commerces, routes, mosquées, églises, etc. La troisième plus ancienne église de l’histoire de l’humanité, une église grecque-othodoxe, Saint-Porphyre a été lourdement endommagée par Tsahal par une frappe aérienne. S’y trouvaient réfugiées des familles chrétiennes et musulmanes.
Une crise humanitaire dont les femmes paient un lourd tribu
Une crise humanitaire dont les femmes paient un lourd tribu. Celles-ci voient leur accès aux services de santé réduit, notamment ceux maternels, néonatals et infantiles. Nombreuses sont celles qui connaissent des complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. Elles n’ont pas accès aux soins obstétriques d’urgence. Lors des bombardements, les femmes enceintes sont obligées d’accoucher chez elles ou carrément dans la rue, au milieu des décombres et sous les tirs d’obus avec des risques d’infection, de décès de l’enfant, de la mère ou des deux. Le conflit a des effets néfastes sur la santé psychologique des femmes. Fréquentes sont les fausses couches, les mortinaissances et les naissances prématurées, dues à l’éprouvant stress dans lequel celles-ci vivent. Par ailleurs, les malformations congénitales ne sont pas rares du fait de l’utilisation du phosphore blanc par l’armée israélienne ; ce qui provoque des dommages considérables. L’usage du phosphore blanc en tant qu’arme incendiaire est pourtant interdit par l’ONU qui le classe comme crime de guerre.
L’OMS et Care attirent l’attention sur la santé mentale des Ghazaouis éprouvés par des traumatismes
Vu le blocus qui l’enferme, la population de la bande de Ghaza vit dans un isolement total et est sujette par conséquent à l’anxiété et aux dépressions. Les déplacements entre Ghaza et la Cisjordanie n’étant pas autorisés, les familles, de part et d’autre, ne peuvent donc pas se rendre visite. Cette mise en cage a précisément pour objectif de nuire à l’état de santé psychologique de la population. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’organisation Care attirent souvent l’attention sur la santé mentale des Ghazaouis éprouvés par des traumatismes relatifs à une peur constante des bombardements, la perte des membres de leurs familles, la pauvreté, l’incertitude des lendemains et ce, dans un espace clos sans possibilité d’en sortir.
Ghaza est réduite à une souricière et les Ghazaouis sont bestialisés dans divers discours sionistes et pro-sionistes tout comme le sont les Palestiniens de façon générale. Sous un tonnerre d’applaudissements, Menahem Begin, premier ministre avait dit en 1982 à la Knesset : « Les Palestiniens sont des bêtes qui marchent sur deux pattes ». Chaim Weizman, alors premier président, avait déclaré en parlant de la Palestine : « Les Britanniques nous ont dit qu’il y a quelques centaines de milliers de nègres et qu’ils n’ont aucune valeur ». Yizhak Shamir, premier ministre a menacé : « Les Palestiniens seront écrasés comme des sauterelles … leurs têtes éclatées contre les rochers et les murs ». Ehoud Barak, premier ministre avait soutenu pour sa part en 2000 : « Les Palestiniens sont comme des crocodiles, plus vous leur donnez de viande, plus ils en veulent ». Et tout récemment, abondant dans la même rhétorique bestialisante, Yoav Galant, le ministre de la Défense israélienne a comparé les Palestiniens à des « animaux humains ». Et les rabbins, journalistes, éducateurs et artistes ne sont pas en reste. La haine raciale dont fait montre Israël à l’encontre des Palestiniens en les déshumanisant et en les identifiant à des animaux dangereux ou répugnants, procède du registre du bestial et a pour but de banaliser la colonisation et de la rendre plus acceptable aux yeux de l’opinion publique. L’identification d’êtres humains à des animaux ou à des objets fournit la base concrète de la négation d’existence d’un peuple.
Par ailleurs, le discours où Israël, se parant des atours de la morale et se posant en victime éternelle a pour effet de légitimer ses politiques et ses actions meurtrières, de justifier ses massacres planifiés et de lobotomiser les esprits : « légitime défense », « droit de se défendre », « droit d’assurer sa sécurité » contre les hordes de terroristes. Ce discours relayé en boucle par les médias de masse inféodés à la machine de propagande de guerre sioniste s’imprègne dans les structures mentales et permet à Israël d’engranger un maximum de sympathie. Anéantir pour ne pas être anéanti et pour cela, se donner le juste droit de commettre un génocide sur un peuple sans défense avec l’approbation de la communauté internationale.
La situation depuis le 7 octobre 2023
L’offensive du Hamas le 7 octobre 2023 est la résultante prévisible de décennies d’exaspération provoquée par une situation d’asphyxie dans laquelle vit une population de 2,2 millions d’habitants, maintenue en état de siège dans une enclave de 360 km2 et ce, depuis 17 années. C’est aussi les conséquences des fréquentes provocations et des bombardements réguliers d’Israël sur Ghaza qui, grâce à un formidable arsenal de communication qui lui est acquis, tourne toujours la situation à son avantage, en faisant croire à des attaques de Hamas, auxquelles elle ne ferait que riposter. Ce samedi 7 octobre 2023, Hamas a effectivement attaqué Israël en causant la mort de nombreuses personnes civiles, attaques sur des civils que nous condamnons fermement.
Depuis ce jour, sous prétexte de combattre le Hamas, Israël a transformé ce blocus en blocus total et soumis la population à un état de siège complet la privant de tout : nourriture, eau, électricité, matériel médical, médicaments, carburant et la mettant dans une situation pire qu’elle n’était déjà. Les drones armés et les tirs d’artillerie se poursuivent nuit et jour sans arrêt. Les bombes pleuvent dans un continuel déluge faisant des morts par milliers. Même les hôpitaux sont délibérément visés et s’écroulent comme un château de sable sous les raids aériens, en enfouissant sous leurs décombres des centaines de personnes. Des médecins, des infirmiers, des ambulanciers et des secouristes sont tués à tour de bras. Les corps inertes des enfants tapissent les rues. Les journalistes sont la cible de tirs meurtriers. Un spectacle de grande désolation dans ce cimetière à ciel ouvert. Une folie meurtrière que rien n’arrête.
Nous assistons en direct à un génocide des plus terribles de l’histoire moderne
À cela, s’ajoute la contamination de nombreux quartiers par les eaux usées et l’impossibilité de préserver dans des conditions adéquates les corps des victimes qui s’empilent dans les morgues, quand ils ne restent pas prisonniers sous les amas de pierres. Situation qui risque d’entraîner une épidémie de maladies infectieuses et la famine chez cette population livrée à elle-même. Pourtant, en vertu de la Quatrième convention de Genève, une puissance coloniale a le devoir dans un contexte de guerre « d’assurer l’approvisionnement de la population en vivres et en médicaments ». Mais l’État d’Israël ignore cette convention, tout comme il a méprisé les multiples conventions de Genève et résolutions de l’ONU. Depuis 1947, Israël a fait l’objet de plus de 50 résolutions et condamnations qu’il n’a jamais respectées. Jamais aucun autre État n’a joui d’une telle impunité. Une impunité absolue.
Nous assistons en direct au génocide d’un peuple parce que c’est ainsi qu’il faut l’appeler : un génocide des plus terribles de l’histoire moderne de par son intensité, soit 355 personnes civiles par jour, sans compter celles qui sont ensevelies sous les décombres. Selon les estimations de l’UNICEF, 5 300 enfants sont décédés, 9 000 sont blessés et 3 500 sont portés disparus. Et forte de sa puissance et de l’appui de ses alliés, Israël œuvre en toute impunité, à l’éradication du peuple de Palestine. En toute conscience. Ce génocide est « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». C’est la définition que donne d’un génocide la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. Et c’est exactement ce qui est en train de se produire sous nos yeux dans la bande de Ghaza.
Une tombe à ciel ouvert
La modification de la carte de l’Etat d’Israël depuis sa création en 1948 atteste d’un sionisme toujours en expansion, de sa volonté de voir disparaître le peuple de Palestine et enfin, de concrétiser son rêve de Eretz-Israël. Soixante-quinze années plus tard, la Palestine demeure une nation sans Etat et les Palestiniens un peuple sans droits, sous la botte d’un Etat militariste, raciste, ethniciste et colonial. Mais ils restent un peuple qui, malgré les terribles conditions dans lesquelles il survit, résiste vaillament à son occupation, au grand damn des dirigeants sionistes et de leurs puissants alliés occidentaux, qui les soutiennent de manière inconditionnelle dans leur entreprise guerrière.
Au niveau de la bande de Ghaza, le retrait des forces coloniales militaires et civiles en 2005 offrait une opportunité pour la population ghazaouie de fonder enfin un gouvernement palestinien. Mais cette opportunité sera étouffée dans l’oeuf car depuis, cette zone sera transformée en prison à ciel ouvert. Et depuis le 7 octobre 2023, elle est devenue une tombe à ciel ouvert où 14 000 personnes, en majorité des enfants sont ensevelis en masse sans rituels de funérailles, sans sépultures et sans tombeaux.
La perpétuation d’une injustice fondamentale commise à l’encontre du peuple de Palestine et l’acharnement sanguinaire d’Israël à faire éterniser le conflit, ne feront qu’enliser la situation dans cette région fort sensible et à évoluer au gré d’un rapport de force favorable à Israël. Depuis des décennies, les résolutions des Nations unies condamnant l’occupation israélienne n’entrent pas en vigueur et les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne sont pas poursuivis, lorsqu’ils sont l’oeuvre des grandes puissances qui envahissent, occupent, massacrent à coups de mensonges et en toute impunité. Le Conseil de sécurité des Nations Unies, la Cour Pénale Internationale sont une parodie de protection, un aveu de leur impuissance.
Les multiples conflits qui ont eu lieu au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde et en l’occurence, celui qui se perpétue actuellement sous nos yeux à Ghaza, jettent une lumière crue sur l’inefficacité du système de maintien de la paix et de la sécurité des populations en contexte de guerre et sur son impuissance face à la toute puissance des Etats membres de l’OTAN. Il est clair, qu’en l’absence de toute instance internatioale pourvue d’un pouvoir autonome, le droit international et notamment le droit international humanitaire ne seront jamais respectés et les populations civiles continueront d’être privées de leurs droits et de subir des massacres, voire des génocides.
Références bibliographiques
- Chomsky Noam and Ilan Pappé (2010). Gaza in Crisis, Reflections on Israel’s War Against the Palestinians, HaymarketBooks.
- Hass Amira (2001). Boire la mer à Gaza, Paris, La Fabrique.
- Khader Bishara (1984). La notion de “colonisation” dans l’idéologie et la pratique sioniste, Cahiers de la Méditerranée, 29-30, pp.147-168.
- Khalidi I. Rashid (2020). The Hundred Years’ War on Palestine: A History of Settler-Colonial Conquest and Resistance, 1917-2017.
- Levy Gideon (2023). It Is Forbidden to Even Empathize With Innocent Gazans, Haaretz, october 26.
- Levy Gideon (2023). Israel Can’t Imprison Two Millions Gazans Without Paying a Cruel Price, Haaretz, october 9.
- Pappé Ilan (2016). The Biggest Prison on Earth: A History of the Occupied Territories
- Pappé Ilan (2008). Le nettoyage ethnique de la Palestine, Paris, Fayard.
- Saïd W. Edward (1979). The Question of Palestine, New York, Times Books.
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[1] Naima Bendriss est Sociologue, chercheure et consultante autonome. Elle est spécialisée dans les relations internationales, le développement international, l’immigration et les études ethniques, les études féministes et particulièrement les feminismes postcolonial et decolonial.
[2] “Le blocus par Israël a coûté presque 17 milliards de dollars à Gaza, selon l’ONU” (dans l’Orient-Le-Jour, 25 novembre 2020).
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