M. Pierre Harvey,
J’ai lu avec intérêt votre lettre ouverte parue mercredi dans La Tribune, intitulée : « L’aide humanitaire, l’ACDI et l’hypocrisie de la gauche «. Dans cette lettre, vous vous félicitez que le gouvernement canadien mette la hache dans « le vieux modèle dépassé qu’était l’ACDI « et qu’enfin l’aide internationale… aide à la prospérité du Canada.
Vous faites aussi état de « centaines d’études « ayant démontré que le modèle de l’ACDI ne tenait plus la route. À cet égard, vous reprenez les arguments du gouvernement conservateur qui cite à tout vent des études dont nous ne voyons jamais la couleur. Votre thèse, M. Harvey, repose sur le fait que seules les entreprises privées peuvent avoir un impact réel sur la réduction de la pauvreté. En revanche, vous insinuez que les organismes de coopération internationale n’ont que très peu d’impact sur la réduction de la pauvreté. À ce sujet, je voudrais vous souligner que tenant compte des faibles moyens dont ils disposent, leur impact est plus que considérable. Si cela vous intéresse, j’ai en main deux évaluations indépendantes sur l’impact du travail du Carrefour de solidarité internationale au Mali et au Pérou.
Les interventions que mènent les organisations comme la nôtre au Sud ne sont pas « artificielles et temporaires «. À titre d’exemple, je citerai notre travail auprès de 12 associations de femmes au Mali qui, à la suite de nos interventions il y a 15 ans, possèdent maintenant un fonds de crédit de 200 000 $ qui permet à des milliers de femmes de réaliser leurs activités commerçantes. Que dire du fait que certaines d’entre elles exportent aujourd’hui du beurre de karité tout en vendant à prix intéressant sur le marché local? Que dire aussi des 60 000 arbres et plants de café plantés l’année dernière à Haïti et de la mise en place d’une structure coopérative qui vise à exporter du café sur le marché du commerce équitable? Comme vous pouvez le constater, le développement économique n’est pas l’apanage exclusif de l’entreprise privée. La mise en place de structures coopératives participe aussi au développement économique.
Ce que nous regrettons dans la « fusion « de l’ACDI avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) est le fait que les programmes d’aide seront orientés en fonction des bénéfices pour le Canada et non pas en fonction d’une aide désintéressée à la lutte à la pauvreté. À preuve, la veille du budget Flaherty, le Canada annonçait son désengagement au Malawi, au Niger, au Rwanda et en Zambie. Pourquoi? Ces pays n’amènent pas suffisamment de « prospérité « pour le Canada?
Le mandat du MAECI est de défendre les intérêts économiques et politiques du Canada; le mandat de l’ACDI était de lutter contre la pauvreté. La question qui se pose donc aujourd’hui : à qui profitera réellement l’enveloppe budgétaire de l’aide publique canadienne au développement?
Marco Labrie
Directeur général
Carrefour de solidarité internationale
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