27 novembre 2012 (ou le 28, heure locale de Porto Alegre)
Par Amélie Nguyen
L’effervescence des « derniers » préparatifs avant le Forum
Le Brésil est reconnu pour la force de ses mouvements sociaux à l’intérieur du pays et leur résonnance à travers le monde, pensons seulement à Via campesina et au Mouvement des sans terres, aux forts syndicats. Au cœur de cette mobilisation se trouve Porto Alegre, avec ses infrastructures bien rodées pour l’organisation d’événements de grande envergure et la tendance progressiste de ses gouvernements (bien qu’il semble que le dernier gouvernement municipal soit un peu plus à droite). Près du port de la Guaíba, les murales qui portent des rêves et des revendications sociales en témoignent (voir photos).
Dans cette ville qui produit 18% du PIB du Brésil, se côtoient pourtant richesse et pauvreté, entre marinas de luxe et petites maisons de pêcheurs à la peinture défraichie; entre centres d’achats et itinérants salis qui fouillent les ordures la nuit venue. Bien que la ville soit considérée comme offrant les meilleures conditions de vie du Brésil, les barbelés et les clôtures électriques qui entourent systématiquement les villas des beaux quartiers depuis quelques années témoignent des inégalités qui persistent.
Ici, l’organisation du Forum social mondial –Palestine libre! a été alourdie, voire presque empêchée par les fortes pressions de lobbys israéliens sur place. Pour que le FSM – Palestine libre! ait lieu, il a aussi fallu compter sur le courage du gouvernement brésilien qui a accepté que cet événement se déroule sur son territoire, malgré les risques politiques que cela implique sur le plan national et sur le plan international.
Le Forum est né de la convergence de divers groupes sociaux de Palestine et d’ailleurs dans le monde vers l’idée que, face à la complaisance de la communauté internationale devant l’État d’Israël, un geste de solidarité international concerté était nécessaire pour appuyer la lutte du peuple palestinien. Conceptuellement, cet événement-message va au-delà de l’appui spécifique à une lutte locale. Il s’agit selon le site « d’une expression de l’instinct humain de s’unir pour la justice et la liberté qui fait écho de l’opposition du Forum social mondial à l’hégémonie néolibérale, au colonialisme et au racisme à travers les luttes pour des alternatives sociales, politiques et économiques visant à promouvoir la justice, l’égalité et la souveraineté des peuples ». Il s’agit de dire haut et fort qu’en tant qu’être humain, il est impossible de se taire devant l’injustice, l’humiliation et l’oppression quotidiennes dont est victime la population palestinienne.
Les premiers contacts
Nous avons visité aujourd’hui les sites prévus des activités du Forum et établi les premiers contacts avec quelques autres délégations : française, colombienne, américaine, canadienne, marocaine, et bien sûr, palestinienne. Certains des organisateurs ont affirmé en être « aux derniers préparatifs », tout en ajoutant qu’ils seraient peut-être debout toute la nuit pour terminer la mise en place.
J’ai pu rencontrer Qais (voir photo) qui travaille pour la campagne « One million trees » pour réoccuper le territoire palestinien de manière verte et pacifique. Son organisation fournit aux fermiers palestiniens le matériel et les arbres nécessaires pour qu’ils replantent des arbres là ou l’armée israélienne a déraciné les oliviers, des arbres qui sont au cœur de l’économie, mais aussi de l’identité palestinienne. Les fermiers réussissent à planter en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et même dans les territoires occupés, afin de réoccuper les terres volées année après année par l’État israélien. La branche d’olivier est aussi un symbole de paix…
Qais habite la Jordanie et me dit dès les premiers moments ces phrases marquantes :
« Mon père était un réfugié. Je suis né réfugié. Et mes descendants seront des réfugiés. »
Quand on sait comme la vie des sans statut en est complexifiée, on sent bien dans ces phrases les cicatrices qui perdurent et se reproduisent génération après génération dans ce conflit. Le droit de retour est l’un des enjeux-clés du règlement du conflit israélo-palestinien et l’un des plus complexes à régler, pour des raisons politiques et de rapports de force, mais aussi simplement de capacité d’absorption du territoire et de la société, dans un espace déjà très densément peuplé. La question du retour des descendants des déplacés initiaux divise notamment les parties israélienne et palestinienne.
Réflexions intenses et fascinantes, partages, solidarités, moments de lucidités … l’effervescence du FSM est contagieuse!
PS : Je croyais en souriant que « borracheria » était le nom brésilien imagé pour une taverne (comme dans fabrique de « borracho ») jusqu’à ce que quelqu’un m’explique que cela signifiait en fait atelier de vulcanisation, de réparation de pneus. Ceci expliquerait le design plutôt glauque observé dans ces « borracherias ».
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