Position du NPD
Dans le budget présenté la semaine dernière, le gouvernement a annoncé que l’Agence canadienne de développement international (ACDI) sera fusionnée au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI). Un nouveau ministère, dont l’acronyme pourrait être MAECD, sera créé, même si nous ignorons quand et à quel prix.
Soyons clairs: le fait d’intégrer l’ACDI au MAECI n’est pas, en principe, une mauvaise idée. En fait, ce type de remaniement a fonctionné relativement bien dans d’autres pays, notamment chez des donateurs internationaux respectés comme la Norvège, les Pays-Bas et l’Irlande.
Toutefois, pour que cette mesure donne des résultats efficaces, le programme d’aide internationale doit avoir un mandat solide en matière de développement, consacrer un budget adéquat à l’aide internationale et être sous la gouverne d’un ministre solide, qui peut compter sur l’appui de son cabinet. Étant donné le dossier peu reluisant des conservateurs en matière d’aide, les préoccupations à tous ces égards sont justifiées. C’est pourquoi tant de Canadiens ne sont vraiment pas convaincus que ce changement structurel contribuera à renforcer l’importance accordée au développement dans la politique étrangère. Au contraire, dans ce contexte, le développement risque d’occuper une place de moins en moins importante.
La question du mandat est cruciale. Premièrement, l’ACDI et le MAECI ont des mandats différents en vertu de la loi. Conformément à la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle, adoptée par le Parlement en 2008, l’aide au développement que fournit le Canada doit contribuer à réduire la pauvreté, tenir compte de la réalité sur le terrain et respecter les normes internationales en matière de droits de la personne. Cela diffère du mandat du MAECI, qui consiste à promouvoir les intérêts du Canada à l’étranger. La fusion des deux organisations ne doit pas s’effectuer au péril du mandat de l’ACDI.
Mais on peut être très inquiet à ce titre, au vu de peu de cas que le gouvernement
conservateur a fait de ce mandat jusqu’ici. Ces derniers mois, nous avons assisté à un changement d’orientation avec un ministre Fantino qui vise les partenariats avec le secteur privé, notamment avec l’industrie extractive, et donne à penser que l’ACDI devrait axer ses efforts sur l’ouverture de nouveaux marchés pour le Canada. Quoiqu’en dise le ministre, la promotion des priorités commerciales ne relève pas de l’ACDI et ne devrait pas constituer son mandat.
Il y a également la question d’un financement suffisant et la fusion sera d’autant plus problématique si elle est accompagnée de réductions supplémentaires de l’aide canadienne au développement. Cette semaine, le Royaume-Uni a annoncé dans son budget qu’il atteindra son objectif qui consiste à consacrer 0,7 % de son revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD). Le Canada, lui, consacre maintenant moins de 0,3 % de son RNB à l’APD.
Les néo-démocrates font valoir depuis longtemps que le Canada devrait établir un échéancier en vue d’atteindre le seuil de 0,7 % du RNB en matière d’aide. De concert avec les organisations non gouvernementales (ONG) du Canada et la campagne «Annulons les coupures!», nous avons demandé l’annulation des coupures dans l’enveloppe d’aide internationale du Canada. Ces coupures, annoncées dans le budget de l’an dernier, font très mal; elles totalisent 377 millions de dollars sur trois ans.
Le leadership est également important. Depuis sa nomination au poste de ministre responsable de l’ACDI, Julian Fantino fait montre d’un manque de leadership et de compréhension de son dossier. Pour ne citer qu’un exemple, il a admis ne pas connaître les principes de la Déclaration de Paris de l’Organisation de coopération et de développement économiques, qui est essentielle aux travaux de l’ACDI. L’ACDI (ou sa nouvelle incarnation au sein du MAECI) a besoin d’un ministre solide qui comprend l’objectif de l’aide au développement.
Nous avons également besoin d’un dirigeant capable d’obtenir des résultats. Sous les conservateurs, nous avons constaté des retards dans les approbations de financement, ainsi qu’un manque de transparence et de fréquence en ce qui a trait au processus d’appel de propositions. Nous craignons que, dans le nouveau ministère, ces tendances s’accentuent.
Afin d’être efficace, le ministre doit également consulter les différents intervenants. À cet égard, il est malheureux que les employés de l’ACDI et du MAECI n’aient pas été informés de cette fusion avant l’annonce officielle, mais, lorsqu’on se rappelle que la fermeture de Droits et Démocratie n’avait été révélée que par communiqué au personnel l’an dernier, cela était prévisible. Plus inquiétant encore est le manque flagrant de consultation auprès des partenaires du Canada en matière de développement international, y compris les ONG qui travaillent avec l’ACDI. Bon nombre de questions demeurent en suspens relativement à l’échéancier pour la transition et à l’incidence de celle-ci sur les partenariats à venir; selon certaines rumeurs, le gouvernement se préparerait à abandonner son approche fondée sur les pays ciblés. Pour être efficace, le secteur de l’aide internationale a besoin de prévisibilité et de réponses claires. Le manque de transparence du gouvernement Harper est tout simplement inexcusable.
Dans le budget, les conservateurs ont également signalé qu’ils «enchâsseront dans la loi» les responsabilités du ministre. Il pourrait s’agir d’une bonne nouvelle, si la mesure misait sur la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle. Mais, encore une fois, compte tenu du refus des conservateurs d’appliquer la Loi et de leur réticence croissante à respecter nos engagements internationaux, il devient difficile de leur faire confiance quand il s’agit de légiférer en matière de lutte contre la pauvreté à l’échelle mondiale.
En fin de compte, cette fusion sera à l’image du gouvernement qui en est responsable. Étant donné que les conservateurs ont passé les sept dernières années à ternir la réputation du Canada sur la scène internationale, nous n’entretenons aucune illusion à l’égard de cette mesure.
Hélène Laverdière, Députée NPD de Laurier – Ste-Marie
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