Militer ne signifie pas s’engager dans une lutte dans l’espoir d’obtenir la victoire. Il n’est pas non plus question de se battre afin de ne pas décevoir ou de marquer la mémoire. Militer, c’est plutôt croire en ce projet du monde qu’il faut concevoir et s’y accrocher. C’est accepter que ses choix soient parfois contradictoires et que sa contribution ne puisse être qu’accessoire.
Par Judith Doré Morin
À l’occasion des Journées Québec Sans Frontières, certains stagiaires ont eu l’opportunité d’échanger avec le militant Robert Jasmin. En mai 1968, alors qu’il poursuit un doctorat en sociologie à Paris, Robert Jasmin prend part à la révolte étudiante qui enflammera ensuite tout le pays. Cet évènement marque le début d’un dévouement qui l’anime encore aujourd’hui. En effet, depuis cinquante ans, Robert Jasmin s’active ici et ailleurs afin de faire de sa vision d’un monde plus juste une réalité. Il anime également des conférences afin de sensibiliser la population à l’importance de s’unir pour agir.
S’indigner, s’informer et s’impliquer
Un séjour à l’étranger, qu’il soit de longue ou courte durée, entraîne souvent une remise en question de soi et des autres. Pour plusieurs, c’est le moment de faire face à des situations qui, au Québec, tendent à être déformées, voire camouflées. Malgré tout ce qu’il est possible d’accomplir en l’espace de quelques semaines, au retour, le monde n’a pas changé. Une transformation s’opère pourtant, à plus petite échelle, dans celui qui part avec l’idée qu’il faut agir ailleurs pour bâtir un avenir meilleur, et qui constate que c’est plutôt ici que le changement doit être initié.
Ainsi, les expériences vécues au-delà de ses propres frontières peuvent être la source de l’engagement. Selon Robert Jasmin, le désir de s’engager provient initialement de l’indignation. Percevoir les injustices, peu importe où elles surviennent, permet de saisir sur quoi se base le concept d’une société juste et équitable. Cette prise de conscience entraîne un besoin de s’informer, d’exercer son esprit critique et de partager ses ambitions avec son entourage.
Ce n’est qu’un début…
Au fil des années, les échecs et les réussites ont enrichi le parcours de Robert Jasmin. Le militant a ainsi voulu offrir quelques conseils aux participant-e-s qui souhaiteront donner suite à leur participation au projet Québec Sans Frontières :
- Il ne faut jamais négliger l’importance du plaisir. L’implication ne doit pas être une source de sacrifices ou d’ennui. Il faut respecter ses limites personnelles et ne pas hésiter à prendre une pause lorsque nécessaire.
- Les mouvements sociaux sont généralement plus proactifs que les regroupements politiques. En effet, il est généralement plus efficace de mobiliser des citoyen-ne-s que des politicien-ne-s. Cependant, l’idéologie totalitaire est à éviter en tout temps.
- Il est essentiel de demeurer minoritaire, c’est ainsi qu’il est possible de voir autrement. Lorsque la majorité adhère à une cause, c’est le signe qu’il faut s’engager ailleurs.
- Il faut accepter l’insatisfaction sans perdre de vue de son objectif. La persévérance est requise, car tout changement demande du temps. Ainsi, les révolutions sont à proscrire. Il faut plutôt miser sur des réformes qui, sans satisfaire pleinement, mèneront vers des résultats durables.
- L’importance de l’art ne doit pas être sous-estimée. L’art est universel, il unifie là où tout divise. Toutefois, la culture peut être dangereuse. Entre des mains avides de pouvoir, elle peut devenir un véritable outil de contrôle.
S’engager, choisir d’agir, c’est prendre part à une course à relais. Il faut poursuivre ce qui a été commencé et s’assurer que le mouvement ne prenne pas fin avec soi. Il faut savoir se relever après une chute. Il faut encourager ses coéquipiers ainsi que tous les autres qui courent dans la même trajectoire. Ainsi, tel un coureur chevronné, Robert Jasmin a profité de cette rencontre pour transmettre son témoin aux participant-e-s de Québec Sans Frontières pour qu’ils puissent prendre le relais.
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