C’est le 25 août 2021, à Santa Margherita Ligure en Italie, dans un contexte où les effets de la crise pandémique ont été particulièrement graves sur la situation des femmes dans le monde en général et dans les pays du Sud, en particulier, que se déroulera la conférence ministérielle du G20 sur l’autonomisation des femmes.
L’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) souligne l’importance de cet événement, le premier du genre au sein du G20, initié par Mme Elena Bonetti, ministre italienne de l’Égalité des chances et de la Famille. Nous avons envoyé une lettre à l’honorable Maryam Monsef, ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et du Développement économique rural, en vue de sa participation à la conférence. En voici les grandes lignes.
Il est primordial que le Canada contribue activement à faire de cette conférence du G20 une opportunité pour mieux cerner les obstacles pour la réalisation de l’objectif de développement durable 5 soit « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » fixé par l’ONU pour 2030. Un rôle dynamique du Canada est d’autant plus souhaité que plusieurs parties prenantes participent à cet événement (outre les ministres responsables de l’égalité, il y aura aussi des représentants d’organisations internationales, du monde des affaires, des milieux universitaires et de la société civile) et que les conclusions de cette conférence seront communiquées aux dirigeants du G20 avant le sommet des 30 et 31 octobre 2021.
Il est pertinent de se poser la question suivante : si les programmes et projets de développement liant le Sud et le Nord, dans le cadre de la coopération et de la solidarité internationales avaient qualitativement avancé, sur le plan de l’autonomisation des femmes, est-ce que l’impact de la crise pandémique aurait été moins désastreux sur la situation des femmes ?
En caractérisant la COVID-19 de « crise avec un visage de femme », M. António Guterres, secrétaire général de l’ONU, signifiait que sous cette crise pandémique mondiale, les inégalités entre les femmes et les hommes ne cessent de se creuser davantage, générant l’accentuation de la féminisation de la pauvreté, l’accès limité des femmes au financement et une plus grande part des tâches de soins non rémunérées et rémunérées, ainsi que la recrudescence des violences envers les femmes. La directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, a constaté que du fait de la fermeture d’écoles, deux tiers des emplois perdus étaient tenus par des femmes et que 59 % des femmes ont déclaré devoir consacrer encore plus de temps au travail domestique non rémunéré. Cette année, 47 millions de femmes de plus seront contraintes de vivre avec moins de 1,90 dollar par jour.
C’est donc dans une telle situation de crise révélant les difficultés de l’autonomisation des femmes qu’aura lieu la conférence du G20. En dressant ce bilan désastreux, l’ONU a placé les femmes au centre de son action de lutte contre la COVID-19. Elle a demandé que des mesures de relance soient prises pour appuyer l’économie informelle, investir dans l’économie des soins et cibler les entrepreneuses.
Dans le même sens, la conférence du G20 sur l’autonomisation des femmes, tout en prêtant attention à la qualité du travail féminin et à la mise en œuvre de politiques visant à valoriser le talent et le leadership féminins, s’intéressera également à la protection des droits des femmes et à la lutte contre la violence à leur égard. Plus globalement, cette conférence traitera de quatre points :
- Les compétences financières et numériques ;
- Le travail et autonomisation économique ;
- L’harmonisation entre le temps de vie privée et le temps de vie de travail ;
- L’environnement et le développement durable. Cette mise en lien entre plusieurs facteurs (place dans l’économie, pouvoir décisionnel, statut juridique et violences, sphères publique et privée) dans une perspective de développement durable est en effet importante pour atteindre l’autonomisation de toutes les femmes et filles.
Rappelons à cet effet que la politique d’aide internationale féministe du Canada intègre l’objectif de l’autonomisation des femmes à travers trois champs d’action :
- Habiliter les femmes à participer pleinement à la croissance économique et leur donner davantage d’occasions de réussir ;
- Accroître le contrôle des femmes sur les ressources et les décisions au sein de leur foyer ;
- Réduire le fardeau que représente le travail non rémunéré des femmes, y compris la garde des enfants.
Ce dernier point a été mis de l’avant récemment par l’annonce du gouvernement canadien au Forum Génération Égalité à Paris, le 30 juin 2021, d’investir 100 millions de dollars en nouveaux fonds, pour les pays à faible et moyen revenu, afin de redresser les inégalités qui existent à l’international dans le travail rémunéré et non rémunéré lié aux soins et de façon à faciliter la participation des femmes à l’économie, à l’éducation et à la vie publique.
Dans la continuité de cette perspective féministe, le Canada devra questionner le modèle de développement dominant sous lequel sont mis en pratique les programmes visant l’autonomisation des femmes. À ce sujet, William Easterly, ex-chercheur de la Banque mondiale constate que la majorité de l’aide internationale est basée sur des solutions fractionnées pour régler de grands problèmes. Il ajoute que l’aide internationale peut annihiler l’innovation locale et le développement autonome des populations du Sud.
Le renforcement du pouvoir des femmes ne passe pas uniquement par l’autonomie économique et la satisfaction des besoins fondamentaux des femmes. Il passe obligatoirement par une transformation des structures économiques, politiques, juridiques et sociales qui perpétuent la domination selon le genre, l’origine ethnique et la classe sociale.
Les programmes de développement doivent instituer un lien étroit entre les besoins spécifiques et les intérêts stratégiques des femmes, basé sur l’établissement de relations égalitaires de genre et l’édification d’un monde plus juste. Dans ce processus, le renforcement du pouvoir des populations locales, particulièrement celui des femmes et l’ouverture à leurs savoirs en matière de développement sont indispensables.
L’AQOCI, tout en approuvant les orientations onusiennes et celles du G20, tient à souligner que toute stratégie pour l’autonomisation des femmes doit :
- appuyer la transformation des rapports de domination des hommes sur les femmes ;
- intégrer et impulser le rôle politique des organisations non gouvernementales féministes ;
- soutenir l’abolition des systèmes d’oppression basée sur le patriarcat et le racisme :
- promouvoir des rapports du Nord-Sud basés sur une réelle coopération, rejetant les collaborations empreintes de colonialisme.
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