Mardi, le 22 août 2023, nous a quittés une grande dame, Yolande Geadah, qui fut la deuxième coordonnatrice du Comité québécois femmes et développement (CQFD), et nous a laissé un lègue d’engagement pour les droits des femmes et la justice sociale, notamment en coopération et solidarité internationales, où elle a exercé pendant plus de 25 ans.
Dans ce dossier-hommage, des collègues de Yolande témoignent de ce lègue pour pérenniser son apport dans notre mémoire collective:
- Contributrice à la mise en place du programme Québec sans frontière ;
- Initiatrice de pratiques novatrices en projets égalité femmes-hommes, dont la première tournée de solidarité internationale du CQFD avec des femmes du Sud;
- Artisane des journées québécoises de la solidarité internationale ;
- Artisane du programme de formation et de renforcement des capacités des membres de l’AQOCI;
- Créatrice d’une journée de formation annuelle en égalité femmes-hommes dans le cursus des formations données par l’AQOCI ; ce qui ouvre le chemin vers l’actuelle École féministe.
- Propulseuse du mouvement de la Marche mondiale des femmes dans le réseau de l’AQOCI ;
- Rédactrice de textes fondateurs d’instances de l’AQOCI.
C’est de tels apports marquants qu’il s’agit dans ce dossier-hommage à Yolande Geadah.
Ses collègues parlent d’elle, non seulement en termes d’apport au féminisme et à la solidarité internationale, mais aussi en termes de main verte. C’est ainsi qu’on nomme “Plantes de Yolande”, les magnifiques géraniums en fleurs de toute couleur, qui arrosés par des générations successives, continuent à enjoliver l’ambiance des bureaux de l’AQOCI.
UNE CONTRIBUTION À LA MISE EN PLACE DU PROGRAMME QUÉBEC SANS FRONTIÈRE
Témoignages de Alain Scrosati, responsable du programme Québec sans Frontière au ministère des Relations internationales et de la Francophonie et Mario Brière, chef d’équipe – secteur solidarité internationale, au ministère des Relations internationales et de la Francophonie.
Nous avons eu l’opportunité et le plaisir de collaborer pendant sept ans (2004 -2011) avec Yolande dans le cadre du programme Québec sans frontières (QSF). Nous formions avec elle le trio responsable de QSF.
Dans le cadre du programme QSF, Yolande a été la maître d’œuvre du Guide pratique QSF, dont la première édition a été publiée en 2005 (édition rééditée et enrichie au fil des ans). Ce guide avait pour but d’améliorer la gestion du programme et s’adressait aux organismes de coopération internationale (OCI) qui participaient à QSF. Il permettait à ses utilisatrices / utilisateurs de se doter d’outils de gestion et présentait des exemples de:
- Plan de formation prédépart,
- Protocoles d’entente avec les partenaires du Sud global,
- Contrats avec les participant.es et les responsables d’équipe,
- Guides destinés aux participant.es et aux responsables d’équipe,
- Trousse santé et sécurité.
« Yolande avait bien l’œil sur les questions de genre, d’égalité entre les femmes et les hommes et de codes de conduite en cas de violences sexuelles »
Le Guide pratique QSF touchait et alimentait la réflexion sur les incontournables aspects de sécurité et proposait des exemples – guide de procédures d’urgence et de codes de conduite. Y étaient abordées les aspects suivants :
- La gestion de crise et les situations d’urgence,
- Les questions de genre et de relations femmes-hommes dans un contexte culturel différent,
- Des exemples de codes de conduite en cas de harcèlement ou d’agression sexuelle.
Yolande avait bien l’œil sur ces sujets !
Elle s’est réellement plongée dans l’univers QSF. Très à l’aise dans la façon de faire-QSF en matière de rencontres de consultation / concertation, Yolande a joué un rôle de rassembleuse autour du projet du Guide pratique QSF. Son esprit de synthèse et de chercheuse, sa rigueur et sa plume auront permis aux partenaires de QSF de mieux structurer leurs actions et auront contribué à l’amélioration du programme.
« Derrière une apparente sévérité, une GRANDE DAME, que nous aimions faire sourire »
Notre regard posé sur Yolande se limite à l’étroite collaboration entretenue dans le cadre de QSF. Soulignons :
- Sa vision de la solidarité internationale, une vision inclusive, ouverte à l’autre;
- Naturellement, une profonde et viscérale préoccupation pour la Femme d’ici et d’ailleurs;
- La quête d’une plus grande justice, d’une plus grande équité, d’une réelle égalité.
Yolande a porté haut et fort ses valeurs dans son quotidien et dans ses grands chantiers. Certainement, on retiendra d’elle son engagement indéfectible pour les causes qui lui tenaient à cœur : sa fine capacité d’analyse, sa grande rigueur, sa générosité, son investissement constant et derrière une apparente sévérité, une GRANDE DAME, que nous aimions faire sourire.
MOT COLLECTIF EN L’HONNEUR DE NOTRE CHÈRE YOLANDE
Prononcé au nom de l’AQOCI lors de la commémoration, le 31 août 2023
L’AQOCI d’aujourd’hui est en partie le fruit de tout le dévouement de Yolande au sein de ce milieu
Comme la plupart d’entre vous l’ont expérimenté, de prime abord, sa voix posée et son calme constant ne laissaient pas deviner la passion qui l’animait pour soutenir et défendre les causes qui lui tenaient à cœur. Yolande, à sa manière, était un « volcan tranquille » : la côtoyer dans le réseau des organismes de coopération québécoise dont elle a été un pilier pendant plus de 25 ans, c’était avoir le privilège de travailler dans la rigueur intellectuelle, l’engagement profond et la camaraderie souriante. Ses initiatives et ses réalisations sont trop nombreuses pour les énumérer ici, mais certaines sont incontournables :
L’égalité et la défense des droits des femmes ont été une de ces causes majeures – ses écrits et ses analyses pour le Conseil du statut de la femme en témoignent. Elle a notamment défendu la nécessité de plaider pour l’abolition de la prostitution, ce qui l’a amenée à être membre fondatrice de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES). La défense de la laïcité a été une cause importante pour elle. L’Institut de recherches et d’études féministes (IREF), auquel elle a été associée pendant de nombreuses années, souligne d’ailleurs que même “ si ses idées n’ont pas toujours fait l’unanimité”, “ elle a eu le courage de ses idées, l’audace d’en débattre et la détermination de ne jamais renoncer à faire reconnaître les droits des femmes, ici et ailleurs dans le monde”.
À l’AQOCI, en 1984, elle est une des co-fondatrices du Comité québécois Femmes et développement et en a assuré la coordination pendant de longues années, véritable leader de la lutte pour les droits des femmes en coopération internationale au sein de la francophonie[1]. C’est aussi sous le chapeau de membre du CQFD qu’elle a contribué au renforcement et au rayonnement du mouvement de la Marche mondiale des femmes dans le réseau de l’AQOCI.
De 1998 à 2011, au sein de l’AQOCI toujours, en tant que chargée de programmes, elle a été la principale artisane de la mise en place du programme Québec sans frontières, des Journées québécoises de la solidarité internationale et du programme de formation et de renforcement des capacités des membres de l’AQOCI. Yolande a contribué de manière exceptionnelle à la vitalité et à la force du réseau. Elle a contribué à construire les piliers de l’AQOCI qui perdurent encore aujourd’hui, autant par la manière dont elle a élaboré les structures de ces programmes, que par sa façon de travailler en collaboration, en concertation et en développant de forts liens entre toutes les actrices et acteurs du milieu. Avec son esprit de chercheuse toujours présent, elle a instauré cette tradition de mener dans nos pratiques de nombreuses recherches en partenariat avec les universités. Beaucoup de textes fondateurs des instances de l’AQOCI ont été rédigés sous la plume et grâce aux analyses de Yolande. On peut dire sans hésiter que l’AQOCI d’aujourd’hui est en partie le fruit de tout le dévouement de Yolande au sein de ce milieu.
A l’instar du grand fleuve qui fertilise de ses riches alluvions son Égypte natale – qu’elle nous a d’ailleurs fait savourer par ses créations culinaires! – Yolande nous a nourri.e.s constamment de ses idées, de son savoir et de sa force de conviction ! Ses collègues, tant à l’AQOCI que dans des dizaines d’organismes de coopération, continuent ainsi d’essaimer ses idées et de défendre ses causes…
D’une grande générosité, Yolande et Rachad nous ont reçues maintes fois lors de fastes repas animés, aux chaudes couleurs de l’Égypte, où toutes et tous se sentaient à l’aise et accueillis.
Sage, clairvoyante, généreuse, Yolande a su transmettre son savoir et ses perspectives à de multiples générations de personnes. Elle était source d’inspiration, mais aussi un catalyseur pour stimuler des mouvements et provoquer des changements dans toutes les luttes qui lui tenaient à cœur.
Elle savait dire les choses.
Ayant le don d’une conteuse, Yolande savait nous captiver l’esprit par ses récits, ses histoires, ses souvenirs.
Mais par-dessus tout, Yolande avait un sens de l’écoute profondément ancré dans l’empathie.
Combien parmi nous, anciennes de l’AQOCI n’ont pas versé quelques larmes, ou tout simplement passé un petit moment de zénitude avec elle pour chasser le stress du moment. Son calme était envoûtant, sa douceur rassurante…. Elle était une merveilleuse collègue et amie. D’ailleurs, ces amitiés et ces liens, Yolande les cultivait avec soin! D’une gentillesse et d’une douceur infinie, humble et posée, Yolande accueillait toujours les nouvelles personnes avec chaleur et un grand sens du partage. Sans oublier son sourire qui a marqué toute personne l’ayant connue. Elle avait une grande sensibilité, toujours à nous demander des nouvelles de nous et de nos familles.
À l’AQOCI nous parlions d’elle non seulement en termes d’apport à la solidarité internationale et au féminisme, mais aussi en termes de main verte, laissant au passage une trace: le partage de sa passion de la beauté de la nature en décorant toutes les salles de plantes à fleurs qui sont encore là des décennies plus tard et qui se sont même multipliées dans les maisons de ses collègues. On les appelle toujours affectueusement : « Les plantes de Yolande » dont les magnifiques géraniums en fleurs de toute couleur. En quelque sorte, ces plantes symbolisent une continuité, les plantes-continuité de Yolande…
Yolande, merci pour tout ce que tu nous a apporté, à nous, au réseau de la solidarité internationale, et à de multiples organisations de la société civile dont en particulier les organisations féministes.
Repose en paix.
Un parcours singulier Égyptienne d’origine, humaniste de cœur, dans son pays d’accueil, le Québec, où elle avait immigré à l’âge de 16 ans avec sa famille, Yolande Geadah s’est investie dans plusieurs causes : syndicalisme, antiracisme, droits des femmes, justice sociale, laïcité. Après des études aboutissant à une maîtrise en relations industrielles, elle travaille d’abord dans le milieu syndical sur les questions des droits des femmes. Ensuite, elle intègre le Cercle de la Culture arabe, puis s’investit dans la solidarité internationale, en travaillant avec le Centre d’études arabes pour le développement (CEAD), issu du travail de solidarité au sein du Service universitaire canadien outre-mer (SUCO). En occupant le poste de coordonnatrice du Comité québécois femmes et développement (CQFD), au sein de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), elle apporte un nouveau souffle à l’intégration des droits des femmes dans les politiques et solidarités à l’international. De 1998 à 2011, en tant que chargée de programmes, elle coordonne les journées québécoises de la solidarité internationale (JQSI), le programme Québec sans frontières, le Comité québécois femmes et développement (CQFD). Elle se joint également à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM. Yolande Geadah est aussi connue pour ses écrits analytiques féministes. Elle publie trois essais à ce sujet ainsi que plusieurs avis pour le Conseil du Statut de la femme. Elle reçoit en 2007 le prix Condorcet du Mouvement laïque québécois. Décédée le 22 août 2023, Yolande a laissé en deuil ses proches, notamment son époux, le sociologue Rachad Antonius et leurs enfants, Marc et Gabriel. |
LA PRISE DE PAROLE DES FEMMES SE PAIE À PRIX FORT
Témoignage de Lise Pomerleau, ancienne chargée de communications à l’AQOCI
J’ai connu formellement Yolande à l’AQOCI, où je l’ai côtoyée lors de ses derniers mois dans l’organisation, mais notre relation s’est réellement développée par la suite, au fil des jours, des échanges intellectuels et des conversations truffées d’arguments sérieux et de sourires complices… C’est dans cette foulée que s’inscrit ce texte.
Ma chère Toi,
Que la justesse de tes analyses et l’acuité de ta plume nous manquent alors que nous aurions tant besoin de te lire ces temps-ci, où les causes à défendre, comme lorsque tu militais au sein du CQFD, nous interpellent quotidiennement.
Depuis que tu es partie, Armita Gavarand, en Iran, a connu le même sort que Masha Amini l’an dernier : elle vient de mourir, après un mois de coma, frappée elle aussi par «la police des mœurs » pour la punir de ne pas respecter leurs diktats quant au port du voile, « ce marqueur sexiste de l’extrémisme religieux » comme tu l’écrivais. Ce voile dont tu as finement analysé le détournement de sens par les intégristes, en nous rappelant surtout que le véritable enjeu à y reconnaître n’est pas « (une) société divisée entre croyants et non-croyants, mais entre ceux qui défendent la démocratie et ceux qui la sapent. » D’ailleurs, ton assertion se confirme encore par la condamnation à plusieurs années de prison, sous prétexte de « collaboration avec l’étranger », de Niloofar Hamedi et Elaheh Mohammadi, les deux journalistes qui ont fait connaître au monde le cas Amini. Comme tu l’as souvent dénoncé, la prise de parole des femmes se paie à prix fort; tant de féministes de par le monde l’ont expérimenté, à l’instar de la militante égyptienne Nawal El Saadawi que tu m’as fait découvrir !
Le texte que tu aurais rédigé sur la Palestine
Le superbe slogan des femmes iraniennes « Femme, Vie, Liberté » devrait être adopté par toutes les féministes du monde tellement il est inspirant et porteur d’espoir – et comme il te sied, ma chère Yolande, toi qui n’hésitais jamais à « choisir tes solidarités » !
Il me manque aussi de lire le texte que tu aurais rédigé pour fustiger les frilosités de nos gouvernements qui, après avoir fermé les yeux pendant des décennies sur la situation terrible des citoyen.ne.s dans les Territoires occupés, hésitent encore à réclamer haut et fort un cessez-le-feu essentiel à la survie même de ces Palestinien.ne.s si chers/chères à ton cœur. Tu aurais su trouver les mots pour plaider les droits des femmes palestiniennes et ceux de leurs enfants, nous rappeler les racines de l’injustice et les pistes possibles et nécessaires pour marcher vers la paix. Et tu l’aurais fait, je n’en doute pas, sans occulter le risque obscène que les intégristes du Hamas et leurs alliés font courir à la nation palestinienne et à ses valeurs profondes. Là encore, tu aurais su défendre, en toute lucidité, la solidarité et la justice.
Là encore, tu aurais crié, à ta manière, douce et courageuse à la fois : « Femme, Vie, Liberté »…
Et je le crie, pour toi et avec toi, en éternelle amitié.
Écrits et audio En 2021, Yolande Geadah a contribué à l’atelier virtuel : « Pour mieux comprendre les croisements des injustices reproductives et sexuelles : interagissons avec les expériences des Suds », animé par la communauté de pratique « Genre en pratique » de l’AQOCI. On peut visionner cet atelier et l’apport de Yolande sur YouTube. Ayant été chercheuse et auteure féministe, elle nous lègue son savoir dans plusieurs publications. |
INITIATRICE DE PRATIQUES NOVATRICES
En projets égalité femmes-hommes
Témoignage de Marie-Ginette Bouchard, sociologue, co-fondatrice et ancienne coordonnatrice (1984 -1986) du Comité québécois femmes et développement[2]
Yolande m’a téléphoné à l’AQOCI en 1984. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à travailler ensemble dans le Comité québécois femmes et développement (CQFD). Moi, comme coordonnatrice du CQFD, dans ce nouveau rôle qui me tenait à cœur, et elle, comme bénévole, au sein du comité de coordination. Autour d’un café, elle m’a raconté qu’elle avait émigré d’Égypte avec sa famille. Ça m’a touchée. Je lui ai dit que j’avais vécu en Inde et que ça avait changé mon regard sur le monde. Bien qu’ayant des parcours très différents, nous avons réalisé que nous étions sur la même longueur d’ondes dans notre vision pour le respect des droits des femmes.
Première tournée de solidarité internationale du CQFD avec des femmes du Sud
De 1985 à 1986, nous avons organisé ensemble la première tournée de solidarité internationale avec des femmes du Sud pour le CQFD. Avec les autres femmes du comité de coordination représentant les ONG, nous avons invité quatre femmes venues du Pérou, de la République dominicaine, de la Tunisie et de la Palestine. Mais ces invitations n’allaient pas de soi. Nous sommes allées ensemble en autobus rencontrer le directeur de la section Afrique et Moyen-Orient du Ministère des relations internationales (MRI) du Québec pour le convaincre du bien-fondé de cette première tournée de solidarité québécoise avec des femmes des Suds. Je me rappelle du plaidoyer de Yolande pour le convaincre d’inviter une femme palestinienne pour sensibiliser les femmes du Québec à ce que vivaient la population en Palestine. Je renchérissais sur l’importance d’inviter des femmes de toutes les régions du monde pour faire connaître leurs réalités. Le MRI nous a finalement octroyé le financement dont nous avions besoin pour recevoir ces femmes.
Lors des deux tournées internationales du CQFD avec des femmes des Suds (en 1986 et 1988), c’est Yolande qui a fait les démarches afin de trouver deux femmes palestiniennes pour sensibiliser les Québécoises aux réalités des femmes et des hommes de cette région. Je me souviens que nous avions festoyé ensemble avec toutes les femmes membres du CQFD, en écoutant toutes ces femmes articulées, lors de la Journée internationale des femmes à Montréal, le 8 mars 1986.
Autrice et coordonnatrice marquante dans l’histoire du CQFD
Yolande était une féministe visionnaire dans bien des domaines comme nous avons pu le constater en lisant ses ouvrages sur la question du voile (Femmes voilées. Intégrismes démasqués. 1996), sur les enjeux liés à la prostitution (La prostitution, un métier comme un autre? 2003) et à la laïcité (Accommodements raisonnables. Droit à la différence et non différence des droits. 2007). Avec son sens de l’analyse affûté, elle savait cerner l’essentiel d’une problématique, l’expliquer en termes clairs et démonter les arguments fallacieux.
Comme deuxième coordonnatrice du CQFD, elle a laissé sa marque en tissant des liens entre les organismes de solidarité internationale, le mouvement féministe et le milieu communautaire au Québec. Elle a notamment organisé une délégation de femmes membres du CQFD pour participer à la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et les violences à l’égard des femmes, à New York, en octobre 2000. Cette photo où on la voit à New York entourée de ses consoeurs, reste pour moi une trace indélébile de la force de son engagement pour les droits des femmes.
Elle a semé une graine qui a bien poussé, puisqu’il y a plus de dix ans, le CQFD a créé une École féministe d’été
En 2001, j’ai retrouvé Yolande quand elle m’a demandé de revenir siéger au comité de coordination du CQFD. Autour d’un café, à partir de nos expériences, comme formatrices en égalité femmes-hommes (EFH), nous avons parlé des besoins de mettre à jour le Guide de formation en EFH de l’AQOCI pour le personnel des OCI. Car l’autre dossier qu’elle a porté est celui de la formation professionnelle en EFH pour lequel elle a réussi à intégrer une journée de formation annuelle en égalité femmes-hommes dans le cursus des formations données par l’AQOCI. Elle a semé une graine qui a bien poussé, puisqu’il y a plus de dix ans, le CQFD a créé une École féministe d’été offrant une semaine de formation annuelle sur les droits des femmes et l’égalité des genres.
Quand j’ai édité le livre Le Comité québécois femmes et développement : Trente ans d’histoire en témoignages[3] (CQFD-AQOCI, 2016), Yolande a été la première coordonnatrice du CQFD à vouloir y participer, pour témoigner dans une fine analyse des moments forts de l’engagement du CQFD. Et que dire de cette petite phrase qu’elle nous a dite à la librairie Le Port de tête, le 8 mars 2016, lors du lancement du livre : «Je me demande comment un si petit comité (le CQFD), gros comme un moustique, a-t-il pu faire tant de choses pour les droits des femmes dans le milieu de la solidarité internationale?!» Chère Yolande, merci pour cette parole prononcée ce soir-là, car tu nous as tellement encouragées, nous, femmes du CQFD présentes à ce lancement, à continuer de déranger pour faire entendre nos voix de féministes pour la liberté et faire avancer nos droits! Et pour continuer à dire : Ce qu’il faut dénoncer! (CQFD).
Je me rappelle de toi comme d’une femme qui prêcha par l’exemple : réfléchir, développer ses idées, ne pas hésiter à prendre la parole et passer à l’action quand on pouvait le faire. Je t’ai admirée, avocate infatigable pour les droits des femmes, la laïcité et la liberté de parole. Entre la rigueur de ta plume et le courage de l’action, je reconnais toute ta générosité à travers ton sourire chaleureux. Sur une base plus personnelle, je me rappelle de ton amitié et des gestes de solidarité que tu as eus envers moi et envers d’autres femmes. Tu nous manques ! Mais tu nous as laissé des traces tangibles de ton intelligence et de tes engagements sociaux et féministes: tes écrits. Et bonne nouvelle : ils sont nombreux !
UNE PIONNIÈRE DU COMITÉ QUÉBÉCOIS FEMMES ET DÉVELOPPEMENT
Témoignage de Jocelyne Bourbeau, collègue de travail et amie
Elles sont rares les personnes qui méritent à ce point la confiance que nous inspirait notre chère Yolande. Dès le début de mon emploi à l’AQOCI, en 1985, elle a été là pour m’accueillir, me donner cette confiance nécessaire et rapidement, j’ai été séduite par son sourire et sa personnalité rassurante. Pour moi qui étais très jeune, et qui occupais un poste administratif, jamais Yolande ne m’a fait sentir que je n’étais pas à sa hauteur. Dès lors, j’ai tout de suite compris que je côtoyais une femme d’une grande envergure.
Yolande comptait parmi les meilleures. La fidélité aux engagements pris, la discipline au travail, la douceur dans les relations humaines, les efforts intellectuels, rien n’a manqué chez elle pour les projets sur lesquels elle s’est investie.
Artisane des journées québécoises de la solidarité internationale
Pionnière de la création du Comité québécois femmes et développement au sein de l’AQOCI, Yolande y apportera sa vision féministe et égalitaire des genres en développement international. Pour avoir assisté à plusieurs de ses rencontres, Yolande était là souriante, réservée, modérée, mais toujours convaincue de l’importance de trouver des solutions pour aider les organismes de coopération internationale à intégrer les droits des femmes dans leurs programmes et au sein même de leur organisation.
Quant aux autres projets, elle a été l’artisane du programme Québec sans frontières et des Journées québécoises de la solidarité internationale, avec ce même souci de mettre en lumière la question des femmes dans tous les volets. Aujourd’hui encore, ces programmes sont bien vivants et nécessaires pour construire un monde meilleur.
Sur une note plus personnelle, lors de nos voyages en voiture, nous avions de belles discussions sur nos vies respectives, sur nos enfants, sur notre passion pour les plantes et les fleurs. Et comme la route était longue, nos conversations s’orientaient vers nos idéaux, vers les faits de la société et surtout vers l’importance de respecter les droits des femmes et du danger qui guette les acquis ici et ailleurs. Il arrivait parfois que la route nous semble trop courte.
Toutes les années à côtoyer Yolande m’auront permis d’apprendre d’elle, de bénéficier de ses connaissances, de son expérience. Elle aura été une très bonne amie autant qu’une collègue exceptionnelle et demeurera pour moi une source d’inspiration inaltérable pour tout ce qu’elle était.
Merci Yolande d’avoir fait partie de ma vie !
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[1] Citation possible sur le CQFD : Quand je pense au CQFD, il me vient à l’esprit cet adage que vous connaissez sans doute, qui dit : Si vous pensez que vous êtes trop petit pour changer quoi que ce soit, essayez donc de dormir avec un moustique! (Citation de source inconnue, attribuée par erreur à Betty Reese). Ce n’est pas pour comparer le CQFD à un moustique, mais je ne cesse de m’étonner de tout ce que ce petit comité a pu réaliser au fil des ans, avec un petit nombre de membres actives et des moyens très modestes. Je suis remplie d’admiration pour toutes ces femmes qui font ou ont fait partie du Comité de coordination à un moment donné ou un autre, celles que j’ai eu la chance de côtoyer et toutes les autres qui ont pris la relève, parce que je sais d’expérience que le plus gros du travail repose sur leurs épaules.
[2] Marie-Ginette Bouchard est membre du comité de coordonnatrice du CQFD (depuis 2001).
[3] Le Comité québécois femmes et développement : 30 ans d’histoire en témoignages. Sous la direction de Marie Ginette Bouchard. CQFD. AQOCI. 2016
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