Du 30 novembre au 13 décembre 2023 se tenait la 28e Conférence des Parties sur les changements climatiques (COP28). Parmi les différents groupes de la société civile des quatre coins du globe qui se sont rassemblés à ce sommet international, le Comité de coordination des organisations autochtones du bassin amazonien (COICA) s’est efforcé de faire entendre les voix et les revendications de ses membres.
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Le Comité de coordination des organisations autochtones du bassin amazonien (COICA) est un réseau regroupant neuf organisations autochtones amazoniennes issues de divers pays d’Amérique du Sud : Bolivie, Brésil, Colombie, Équateur, Guyane, Pérou, Suriname et Venezuela. Rassemblant la voix de 511 peuples amazoniens, COICA est considérée comme le plus grand réseau autochtone à l’échelle mondiale. Les divers peuples dont il promeut la voix couvrent une zone d’environ 240 millions d’hectares de forêt.
Leur devise « Amazonie Viva, Humanidad Segura » dicte leur engagement pour la défense de l’Amazonie et de la vie, par la protection d’une planète qui puisse assurer l’existence des générations présentes et à venir. COICA a pour mission de proposer des politiques et des actions en faveur d’un développement équitable et différencié de l’Amazonie, de l’échelle locale à l’échelle internationale, en passant pas l’échelle nationale. Leurs propositions partent des peuples, des nations et des organisations autochtones amazoniennes mêmes, tout en accordant une importance à leur autonomie, leur souveraineté, leurs capacités et leur viabilité financière.
En ce sens, COICA coordonne les efforts et les visées des peuples qu’il représente dans le but de promouvoir, défendre et exercer les droits des peuples autochtones et des territoires, qui font partie intégrante de la nature et de la planète. Parmi les droits qu’il défend, on compte des droits humains, environnementaux, culturels, collectifs, féministes, territoriaux, ainsi que le droit à la vie, à la santé, et à l’autodétermination des peuples, entre autres.
Au niveau régional, COICA s’efforce de développer et impulser des mécanismes facilitant l’interaction, la collaboration et la complémentarité de ses membres, de manière à coordonner et promouvoir leurs revendications communes, mais aussi celles qui sont uniques à leurs réalités et à leurs cultures propres. Tant au niveau régional qu’international, COICA est très actif. Sa participation à la COP28 s’inscrit d’ailleurs dans ses actions de représentation et de plaidoyer auprès d’instances intergouvernementales et non gouvernementales. [1]
Principales revendications à la COP28
Participant aux COP depuis plusieurs années, la délégation de COICA s’est mobilisée à la COP28 pour représenter ses membres. Comme de nombreux regroupements présents tels que les organisations non gouvernementales (ONG), les regroupements de jeunes, le milieu des affaires, les lobbys, les regroupements de sociétés civiles et bien d’autres, COICA est observateur dans le cadre des COP. N’étant donc pas formellement négociateurs à la table où les décisions se prennent, les groupes comme COICA observent les dynamiques, les positions des autres acteurs et réagissent en essayant d’influencer les négociations à leur avantage [2].
Parmi ses revendications phares, COICA urge la reconnaissance du rôle clé des peuples et territoires autochtones dans la préservation des écosystèmes et dans les solutions face à la crise climatique. En plus de promouvoir les droits humains, cette revendication vise à atténuer à la fois la crise climatique et celle de la biodiversité, car 80 % de la biodiversité mondiale se trouve dans ces territoires [4]. COICA exige ainsi la reconnaissance des savoirs traditionnels qui font partie de la solution pour contrer l’actuelle crise environnementale complexe et multidimensionnelle : « Notre lutte est pour le territoire, pour la vie ainsi que pour la protection de notre culture et des systèmes de savoir qui ont maintenu en vie la forêt tropicale la plus grande du monde » [5]. Concrètement, COICA appelle les gouvernements et les organisations à joindre l’initiative qui, impulsée par COICA et Amazonia por la vida, vise à protéger 80 % de l’Amazonie d’ici 2025 [6].
Régulant le climat mondial, regorgeant d’une biodiversité riche et abritant de nombreuses communautés autochtones, l’Amazonie est le cœur biologique et le poumon de la Terre. Malgré ses nombreux bienfaits pour les diverses espèces, dont l’espèce humaine, de nombreux pays, compagnies et plus largement le système capitaliste productif continuent d’infliger des pressions à l’Amazonie et à ses écosystèmes, au nom d’un « développement » occidental que COICA qualifie de destructeur [7]. Depuis plusieurs années, ce système économique fait en sorte que l’Amazonie et les peuples qui l’habitent sont aux prises avec de multiples enjeux, dont l’extraction minière illégale, des incendies forestiers plus fréquents, l’exploitation d’hydrocarbures, la sécheresse, un déclin de la biodiversité sans précédent et l’assassinat de défenseurs de l’environnement, entre plusieurs autres [8]. COICA alimente donc le questionnement de ce qu’est la notion de développement infini dans un monde où les ressources, elles, ne sont pas illimitées.
D’autres revendications phares sont également d’ordre financier. COICA est arrivé à la COP28 avec l’intention de promouvoir le Fond autochtone pour l’économie autochtone ainsi que le Mécanisme de projets pour les peuples autochtones du bassin amazonien. Ce premier fonds dédié aux communautés autochtones a pour but de leur faciliter l’accès direct aux montants dont elles ont besoin actuellement. Fany Kuiru, la coordinatrice générale de COICA, rappelle que les 1,6 milliard promis aux peuples autochtones lors de la COP26 de Glasgow ne sont toujours pas accessibles [9]. Elle affirme également que « les banques qui financent jusqu’à maintenant l’exploitation d’hydrocarbures doivent maintenant financer la vie, la vie en Amazonie » [10].
Une autre revendication de COICA est celle d’une représentation adéquate et effective des populations autochtones dans les instances internationales. Au-delà d’avoir accès à ces interfaces, COICA exige que leurs revendications se traduisent concrètement dans la prise de décision. En tant que communautés historiquement bien placées pour protéger la nature qui abonde dans les régions qu’elles habitent, cette demande exige que ces gardiens qui ont le plus longtemps protégé les territoires puissent continuer de le faire [11]. Fany souligne également que les femmes sont les plus sous-représentées parmi les personnes autochtones à la COP28. Pourtant, ce sont ces femmes qui sont les principales restauratrices des forêts et des territoires [12].
Perspectives de COICA sur les résultats de la COP28
Au terme de la COP28, COICA a décrit la COP28 comme « une opportunité historique [qui] s’est avérée décevante quant à la livraison de mesures concrètes et ambitieuses » [13].
D’un point de vue global, COICA critique le manque de moyens concrets et effectifs pour l’abandon des énergies fossiles à l’échelle mondiale. Le vocabulaire employé dans le texte étant jugé trop faible, COICA dénote que le texte ne parvient pas à transmettre l’urgence d’agir, en plus d’ouvrir la porte à la séquestration du carbone. Cette dernière technique n’a pas fait ses preuves à ce jour et ne garantit pas une réelle réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à la source. COICA estime que ce résultat est particulièrement douloureux et inacceptable pour les communautés plus vulnérables, comme celles des petits pays insulaires, des pays moins « développés » ainsi que des communautés autochtones de l’Amazonie et d’ailleurs [14].
Quant à ses revendications, COICA et la Banque interaméricaine de développement sont parvenues à lancer le Fond autochtone pour l’économie autochtone ainsi que le Mécanisme de projets pour les peuples autochtones du bassin amazonien. Ces initiatives faciliteront la mise en œuvre de projets en Amazonie, notamment en matière de souveraineté alimentaire et d’amélioration des conditions de vie des peuples de cette vaste zone. Déjà, plusieurs organisations et banques ont signifié leur intérêt à prendre part à ces deux initiatives annoncées à la COP28 [15].
Activités prévues par COICA en 2024
De retour de la COP28, COICA continuera donc de travailler avec des alliés actuels et nouveaux qui se rallient à leurs deux initiatives lancées à la COP28, en vue de rejoindre plus d’acteurs et de les mettre en œuvre. Comme à l’habitude, il continuera également à coordonner les efforts avec ses membres, en plus d’entretenir ses alliances et ses contacts à l’échelle régionale comme mondiale.
D’ici la prochaine COP, COICA encourage les populations à exiger de leurs gouvernements et des instances internationales « un leadership audacieux et des mesures concrètes » [16]. Il réitère ainsi la nécessité de signaler à nos gouvernements et au monde entier l’urgence d’agir en cette crise environnementale dont les conséquences les plus néfastes retombent sur les populations autochtones, et plus particulièrement les femmes de ces communautés.
En plus de militer pour une justice climatique plus équitable entre les pays et les communautés, COICA tend aussi la main aux plus privilégiés : « On sait très bien que, durant des siècles, un groupe de personnes a vécu bien au détriment du malheur des autres. C’est le temps d’équilibrer ces balances pour que l’humanité puisse avancer. La spiritualité et les connaissances ancestrales doivent se réunir avec la science non autochtone, avec la politique et avec l’économie pour pouvoir avancer ensemble. Dans le cas inverse, ce serait l’humanité qui échouerait » [17].
Pour que les revendications puissent porter fruit, COICA soutient que la pression de la société civile est fondamentale et que la volonté politique doit emboîter le pas aux voix qui s’élèvent [18]. C’est donc une invitation lancée à tout le monde de rejoindre le combat et d’amplifier la voix de COICA.
Cet article a été rédigé par Laura Fequino, étudiante à la maîtrise en études politiques appliquées à l’Université de Sherbrooke et présidente du CA du Groupe de coopération internationale de l’Université de Sherbrooke (GCIUS), sur la base de documents publiés par COICA après la COP28.
RÉFÉRENCES
[1] https://coicamazonia.org/somos/
[2] https://coicamazonia.org/cop28-la-paradoja-del-cambio-climatico/
[4] IPCC. 2022. Climate Change 2022 : Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press ; https://www.youtube.com/watch?v=Vw-T10VNUtM&ab_channel=AQOCI
[5] https://coicamazonia.org/cop28-la-paradoja-del-cambio-climatico/
[6] https://coicamazonia.org/cop28-la-paradoja-del-cambio-climatico/
[7] Quintanilla, Marlene, Carmen Josse, Alicia Guzmán León. 2022. La Amazonía a contrarreloj : un diagnóstico regional sobre dónde y cómo proteger el 80% al 2025. https://amazonia80x2025.earth/ ; https://coicamazonia.org/cop28-la-paradoja-del-cambio-climatico/
[8] https://www.youtube.com/watch?v=Vw-T10VNUtM&ab_channel=AQOCI
[9] https://www.youtube.com/watch?v=vYumaOg-hI8&t=306s&ab_channel=Sachamama
[10] https://www.youtube.com/watch?v=Vw-T10VNUtM&ab_channel=AQOCI
[11] https://coicamazonia.org/cop28-la-paradoja-del-cambio-climatico/
[12] https://www.youtube.com/watch?v=vYumaOg-hI8&t=306s&ab_channel=Sachamama
[13] https://coicamazonia.org/cop-28-una-oportunidad-historica-con-resultados-decepcionantes/
[14] https://coicamazonia.org/cop-28-una-oportunidad-historica-con-resultados-decepcionantes/
[15] https://www.youtube.com/watch?v=Vw-T10VNUtM&ab_channel=AQOCI
[16] https://coicamazonia.org/cop-28-una-oportunidad-historica-con-resultados-decepcionantes/
[17] https://www.youtube.com/watch?v=vYumaOg-hI8&t=306s&ab_channel=Sachamama
[18] https://coicamazonia.org/cop28-la-paradoja-del-cambio-climatico/
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