Un moment charnière pour le secteur de la solidarité internationale
Du 4 au 6 juin 2025, près de 400 personnes se sont réunies à l’Université de Montréal dans le cadre du Grand rendez-vous des États généraux québécois de la solidarité internationale, un moment charnière pour le secteur, ses partenaires et les citoyen·nes engagé·es du Québec et d’une vingtaine de pays. Cet événement marquait le point culminant d’une démarche participative de plus d’un an, amorcée en juin 2024 par l’AQOCI.
Pendant deux jours et demi, des membres d’organisations de la société civile québécoise, des partenaires internationaux et des individus engagés ont pris part à des plénières, des ateliers et des espaces de discussion afin d’imaginer des réponses collectives aux défis mondiaux actuels, le tout dans un contexte marqué par l’urgence climatique, les conflits, le recul des droits humains et le désengagement de plusieurs États, notamment des États-Unis, en matière d’aide internationale.
Un processus porteur d’avenir et une solidarité décloisonnée
Pour Michèle Asselin, directrice générale de l’AQOCI, le Grand rendez-vous représente bien plus qu’un événement ponctuel : il marque l’aboutissement d’un processus de dialogue entamé depuis plus d’un an, qui se poursuivra dans les mois et les années à venir. « Ce n’est pas une déclaration à mettre sur une tablette. C’est un point de départ », affirme-t-elle. Ce travail de longue haleine a permis de faire émerger une vision commune avec pour horizon la transformation durable de nos sociétés.
« On est dans un monde en crise, mais nous, on agit parce qu’on est ancré·es dans l’espoir », soutient-elle, rappelant que cette aspiration partagée d’un monde plus juste, inclusif et solidaire donne un sens collaboratif à l’engagement des participant·es. Face aux inégalités économiques, aux reculs démocratiques et aux oppressions systémiques, elle insiste sur l’urgence de réaffirmer les droits humains et collectifs, et de mieux soutenir les populations marginalisées. L’importance de devenir de meilleurs alliés des peuples autochtones ainsi que d’approfondir nos pratiques décoloniales font d’ailleurs partie des 24 engagements adoptés.
En animant ces États généraux, l’AQOCI visait aussi à décloisonner la solidarité internationale, en mettant en lumière les liens profonds entre les luttes menées au Québec et celles portées ailleurs dans le monde. « On a partagé notre profonde croyance dans la force des alliances. Ensemble, on est capables d’avoir un plus grand impact », conclut-elle.
Des voix du Sud qui nourrissent l’engagement
Parmi les voix internationales qui ont marqué le Grand rendez-vous, celle de Selbé Faye, ingénieure agroécologue sénégalaise de l’organisation paysanne Enda Pronat, s’est imposée comme un appel fort à la justice climatique et à la souveraineté alimentaire. Représentant une organisation active depuis plus de 40 ans aux côtés de plus de 300 villages du Sénégal, elle a partagé un regard enraciné dans les luttes de terrain qui a su trouver écho dans les défis vécus ici.
Présente dans plusieurs panels, elle a salué la richesse des dialogues réunissant jeunes, partenaires internationaux et mouvements sociaux autour d’un objectif commun : construire une solidarité internationale ancrée dans l’écoute mutuelle et la réciprocité. Elle a été particulièrement touchée par les résonances profondes entre les savoirs autochtones du Québec et les pratiques endogènes africaines de préservation écosystémiques. « Chaque partenaire doit respecter les besoins, les réalités et les savoirs de l’autre. C’est fondamental pour un partenariat juste », a-t-elle expliqué.
Appelant à dépasser les logiques de coopération hiérarchiques, Selbé Faye a invité ses collègues à privilégier des alliances profondément ancrées dans les territoires et portées par les communautés elles-mêmes. Elle a également dénoncé le soutien persistant à des modèles agricoles intensifs et invité les pays du Nord à réorienter leur soutien financier lié à la lutte contre les changements climatiques vers des pratiques durables, comme l’agroécologie, qui répondent concrètement aux besoins des populations les plus vulnérables, notamment les femmes et les jeunes.
Pour elle, les États généraux ont constitué un espace de dialogue sincère et ouvert entre acteurs du Nord et du Sud, où les défis globaux ont pu être abordés collectivement. « Nous faisons face aux mêmes crises, même si leurs impacts diffèrent. En unissant nos forces, nous pouvons construire des solutions enracinées et durables », conclut Selbé Faye.
Une mobilisation soutenue, ici et à l’international
L’événement marquait l’aboutissement d’un important processus de consultation structuré par deux grandes questions qui ont guidé les échanges : qu’est-ce qui nous empêche aujourd’hui de vivre dans un monde juste et solidaire ? Et quels devraient être les engagements collectifs du Québec pour y contribuer ?
En chiffres, cette démarche a permis de :
- Consulter 1 076 personnes, dont 58 % de femmes et 24 % de jeunes adultes âgé·es de 18 à 35 ans ;
- Réaliser 28 dialogues et consultations ;
- Recueillir 825 participations directes aux échanges et 251 réponses individuelles aux questions en ligne ;
- Réunir 290 organismes participants, dont 147 situés au Québec (comprenant 54 membres de l’AQOCI et 93 autres organismes de la société civile et mouvements sociaux) et 143 organismes de l’extérieur du Québec, dont 134 partenaires internationaux issus de 44 pays et territoires, et 9 organismes du reste du Canada.
Un partenariat entre l’AQOCI et la COICA pour la protection de l’Amazonie
Le Grand rendez-vous a également été l’occasion de mettre en lumière le partenariat stratégique entre l’AQOCI et la Coordination des organisations autochtones du bassin amazonien (COICA), autour de l’initiative Amazonie pour la vie : protégeons 80 % d’ici 2025. Depuis 2023, les deux organisations travaillent de concert pour sensibiliser le public aux enjeux cruciaux liés à la protection de l’Amazonie, notamment à travers une pétition et des actions de plaidoyer dans les forums internationaux sur le climat et la biodiversité. Un kiosque interactif tenu lors de l’événement a permis d’informer les participant·es et de recueillir des messages de solidarité qui seront remis lors de la COP30, à Belém (Brésil). Ce partenariat incarne la volonté de tisser des liens durables entre mouvements autochtones et société civile québécoise pour faire front commun contre la crise climatique et promouvoir la justice écologique.
Une déclaration d’engagement collective et symbolique
Le Grand rendez-vous s’est conclu le vendredi 6 juin par l’adoption officielle de la Déclaration d’engagement en solidarité internationale, lors d’une cérémonie de clôture chargée d’émotion.
Rédigée par le comité de déclaration, celle-ci repose sur les résultats des 28 dialogues menés à travers le Québec avec plus de 290 organismes, au terme d’un processus d’un an finalisé lors du Grand rendez-vous. À partir d’un premier travail de synthèse, les membres du comité ont collectivement formulé un texte reflétant la diversité des voix et des réalités, tout en proposant une vision unificatrice et mobilisatrice à l’horizon des 10 prochaines années.
« La richesse et la diversité des contributions des participant-es au Grand rendez-vous ont permis de vraiment bonifier la première ébauche du texte et de coconstruire une Déclaration d’engagement rassembleuse et ancrée dans une vision où la solidarité internationale est indissociable des luttes contre les inégalités, les oppressions et la pauvreté. » – Denis Côté, analyste politique à l’AQOCI
Cette déclaration est un appel à l’action collective, à la fois ancré dans la conjoncture mondiale actuelle — urgence climatique, crises humanitaires, montée des inégalités — et tourné vers l’avenir. Elle met en avant des engagements clairs du secteur québécois de la solidarité internationale, tout en laissant place à l’appropriation et à l’endossement par d’autres organismes.
La déclaration a été signée symboliquement lors du Grand rendez-vous, mais demeure ouverte à la signature :
Des pistes d’action pour donner vie à la déclaration
En parallèle à la déclaration, des pistes d’actions communes ont été identifiées. Issues des travaux du comité d’action actif tout au long du Grand rendez-vous, ces pistes proposent des stratégies concrètes, convergentes et adaptées aux réalités du terrain. Elles visent à faire vivre la déclaration d’engagement dans les pratiques, les alliances, les revendications politiques et les actions des mois et des années à venir. On y retrouve :
- Des initiatives à coconstruire autour de la justice climatique, des droits des femmes, de la gouvernance locale ou de la participation citoyenne ;
- Des chantiers à mettre sur pied, notamment en matière d’éducation à la citoyenneté mondiale et de mobilisation intergénérationnelle ;
- Des appels à la mobilisation autour de la Marche mondiale des femmes et l’appui à la Palestine;
- Des revendications communes pour renforcer le financement de l’aide internationale.
Ce document sera un outil de travail collectif et une base pour les campagnes, plaidoyers et initiatives qui découlent des États généraux.
« Pendant les dialogues préparatoires et durant les ateliers lors du Grand rendez-vous, nous avons réussi à dépasser la mise en commun de nos actions respectives. Le réseautage de centaines de groupes a permis d’identifier ensemble les stratégies et les actions convergentes, prioritaires, qui mobiliseront le plus de groupes possible. La Déclaration d’engagement est notre vision à long terme. Les stratégies et actions convergentes donnent des pieds et des ailes à cette vision et nous propulsent vers l’action à court et moyen terme. En plus d’espérer que chaque groupe regardera comment traduire la Déclaration d’engagement dans des actions concrètes au sein de leurs propres organisations et pratiques, nous espérons que les stratégies et actions communes sauront galvaniser les groupes et orienter nos prochaines actions à mener collectivement ensemble. » – Nancy Burrows, chargée de programmes à l’AQOCI
Poursuivre l’élan collectif au-delà du Grand rendez-vous
Le Grand rendez-vous des États généraux québécois de la solidarité internationale est bien plus qu’un événement ponctuel : il s’inscrit dans un mouvement de fond porteur d’un véritable élan collectif. Ce qui s’est construit tout au long du processus témoigne d’un renouveau stratégique pour le secteur et d’une volonté partagée d’amplifier la voix de la solidarité, tant au Québec que sur la scène internationale. Vingt ans après les premiers États généraux de 2005, ce nouveau cycle s’ouvre dans un contexte mondial plus complexe, mais avec une maturité accrue et une capacité renforcée d’agir ensemble. La solidarité internationale n’est pas une option : elle s’impose comme une réponse essentielle aux crises de notre époque. L’AQOCI remercie chaleureusement toutes les personnes et organisations qui ont pris part à cette démarche ambitieuse.
Pour poursuivre cet engagement, nous invitons chacun et chacune à :
- s’abonner à notre infolettre;
- suivre nos médias sociaux;
- consulter notre site web, où seront partagés les outils issus du Grand rendez-vous et les prochaines actions à venir.
Nous vous donnons également rendez-vous le 18 octobre 2025, à Québec, dans le cadre de la Marche mondiale des femmes, pour continuer à porter collectivement les revendications issues des États généraux et faire vivre la solidarité dans l’espace public.
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