Document de plaidoyer de l’AQOCI pour la COP30
La COP30 sur le climat se tiendra du 10 au 21 novembre 2025 à Belém, au Brésil, avec pour objectif principal d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Cette conférence cruciale mettra l’accent notamment sur les nouveaux plans nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la concrétisation du nouvel objectif de financement climatique et la transition juste. Son emplacement en Amazonie permettra également de mettre en lumière les enjeux liés à la biodiversité et à la préservation des forêts.
Parallèlement, du 12 au 16 novembre, Belém accueillera le Sommet des peuples, rassemblant la société civile et les peuples autochtones du Brésil, d’Amérique latine et du monde entier pour faire entendre leurs voix en faveur de la justice climatique.
Notre participation
L’AQOCI sera présente à la COP30 et au Sommet des peuples avec une délégation de sept jeunes militant·es pour la justice climatique. Notre participation vise à :
- Amplifier les voix des communautés les plus affectées par la crise climatique, particulièrement dans les pays du Sud global
- Poursuivre notre plaidoyer auprès des décideur·euses québécois·es et canadien·nes pour une justice climatique féministe
- Renforcer nos alliances avec la société civile du Québec, du Canada et de l’international sur les enjeux de biodiversité et de climat
Notre vision et nos engagements
En 2024-2025, l’AQOCI a organisé les États généraux québécois de la solidarité internationale, mobilisant plus de 1000 personnes à travers divers dialogues. Cette démarche a mené à l’adoption en juin 2025 d’une Déclaration d’engagement soutenue par plus de 100 organisations, qui inspire largement ce document de plaidoyer.
Notre vision s’ancre dans l’espoir d’un monde juste, inclusif et respectueux de l’environnement et des droits humains, où la solidarité internationale est indissociable des luttes contre les inégalités. Elle est fondée sur des valeurs féministes, antiracistes, pacifistes et écologistes.
Nous dénonçons les fausses solutions climatiques et l’écoblanchiment qui affectent particulièrement les populations du Sud global, et nous appelons les gouvernements à maintenir le réchauffement climatique sous 1,5°C grâce à des politiques privilégiant la justice sociale, raciale et économique pour tous.
Nous exhortons également les gouvernements à respecter le droit à la liberté d’expression et à mettre fin à la criminalisation des défenseur·es des terres, dont les efforts sont essentiels pour un monde climatiquement juste.
Ce document de plaidoyer a été élaboré en collaboration avec nos organismes membres, dont Avocats sans frontières Canada et Humanité & Inclusion, notre délégation jeunesse et des membres d’autres délégations jeunesse du Québec qui participeront à la COP30, s’inspirant également des analyses et demandes de nos alliés comme le Comité de coordination des organisations autochtones du bassin amazonien (COICA), le Réseau latino-américain pour la justice économique et sociale (LATINDADD), l’Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA) et diverses coalitions dont nous sommes membres.
Demandes politiques
1. Promouvoir les droits et le leadership des femmes
La crise climatique est alimentée par des systèmes enracinés d’exploitation, d’extraction et d’inégalités qui concentrent le pouvoir et les ressources entre les mains d’une minorité privilégiée. Les femmes, les filles et les personnes de genres divers, particulièrement celles qui font face à de multiples formes de discrimination croisées dans les communautés en première ligne, subissent de façon disproportionnée le poids de ses impacts. Pourtant, elles sont systématiquement marginalisées des sphères de pouvoir, avec un accès limité aux ressources et aux espaces de prise de décision.[1]
Pour donner suite à l’adoption du Programme de travail de Lima renforcé sur le genre d’une durée de 10 ans, adopté lors de la COP29, l’AQOCI appuie l’adoption, dans le cadre de la COP30, d’un nouveau Plan d’action sur l’égalité des genres transformateur et ambitieux. Ce Plan devra être intersectionnel, inclusif, mesurable, fondé sur les droits humains, répondant aux besoins des communautés et bénéficiant d’un financement adéquat.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États: à adopter un nouveau Plan d’action sur l’égalité des genres transformateur et ambitieux. Ce Plan d’action devra assurer une participation significative des femmes et d’autres groupes marginalisés aux espaces de décision sur le climat ; l’intégration de la justice de genre, de l’intersectionnalité et des perspectives autochtones dans les plans climatiques nationaux, comme les CDN et les plans nationaux d’adaptation ; et un accès direct à un financement climatique publique et sous forme de subvention pour les groupes de femmes, les groupes de base et les communautés autochtones.
- le Canada: à soutenir l’adoption d’un nouveau Plan d’action sur l’égalité des genres qui inclut les éléments nommés plus haut et à défendre l’inclusion des femmes dans toute leur diversité, des droits humains et de l’intersectionnalité dans l’ensemble des trames de négociations à la COP30.
2. Faire de la COP30 celle de la mise en œuvre de la transition juste
La transition juste est une approche qui garantit que le passage vers une économie à faible émission de carbone soit équitable pour tous·tes. Elle vise à protéger les travailleurs et les travailleuses ainsi que les communautés vulnérables pendant cette transformation en assurant: la création d’emplois décents et durables, la protection sociale des populations affectées, le respect des droits humains fondamentaux, l’inclusion des communautés marginalisées dans les processus décisionnels, et le partage équitable des bénéfices et des coûts entre pays dits « développés » et « en développement ». Cette vision s’inscrit dans une perspective de justice climatique qui reconnaît les responsabilités différenciées et les capacités inégales face aux défis climatiques.
Les appels en faveur d’une transition juste, un cadre né des mouvements syndicaux dans les années 1980, se multiplient. Pour y répondre, les gouvernements doivent réorienter l’économie vers le bien-être et la protection des personnes et de la planète. Une transition juste exige une transformation de la société équitable et fondée sur les droits, garantissant des moyens de subsistance et des économies régénératrices et résilientes, pilotées par les communautés. Elle exige que le processus de décarbonation de l’économie soit mené de manière équitable et inclusive afin de garantir le soutien des travailleurs et des travailleuses, et des communautés.
Après des années de négociations et d’engagements, le temps des promesses doit céder la place à celui de l’action. La COP30 représente une opportunité cruciale pour passer des déclarations d’intention à la mise en œuvre de mesures tangibles qui protègent à la fois la planète et les populations.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États:
- à mettre en place un mécanisme d’action de Belém (MAB) pour une transition juste dans le cadre des négociations du Programme de travail pour une transition juste (JTWP) afin d’accélérer, consolider et réaliser une transition juste globale dans l’ensemble de l’économie à travers la coopération internationale. Ce mécanisme doit être basé sur les principes d’équité et de responsabilités communes mais différenciées, ainsi que sur les capacités respectives.
- à garantir un accès équilibré et représentatif aux négociations en imposant des limites substantielles pour contrer les lobbyistes qui entravent les initiatives en faveur de la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. Ces limites doivent consister, entre autres, à définir des politiques en matière de conflits d’intérêts dans le cadre des processus de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
3. Assurer un financement climatique à la hauteur des besoins
Le principe des responsabilités communes mais différenciées, formalisé dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, reconnaît que tous les pays partagent la responsabilité de lutter contre les changements climatiques, mais que les pays les plus riches, ayant historiquement émis davantage de gaz à effet de serre et disposant de plus de ressources, doivent assumer un rôle de premier plan dans cette lutte en contribuant au financement de l’atténuation, de l’adaptation et des pertes et dommages.
Le financement de l’atténuation est crucial pour réduire les émissions à la source et éviter les pires scénarios, tandis que les fonds pour l’adaptation permettent aux communautés vulnérabilisées de s’adapter aux impacts déjà inévitables. Le financement des pertes et dommages constitue quant à lui une question de justice climatique fondamentale, reconnaissant que certains impacts sont désormais irréversibles et affectent de manière disproportionnée les pays et communautés qui ont le moins contribué au problème.
Cette triple approche de financement représente non seulement un impératif moral, mais aussi un investissement stratégique, car les coûts de l’inaction surpassent largement ceux d’une action préventive. Sans ces engagements financiers substantiels et prévisibles, particulièrement de la part des pays historiquement responsables des émissions, l’Accord de Paris demeurera un cadre vide, perpétuant les inégalités mondiales et compromettant les droits fondamentaux des populations les plus vulnérabilisées, notamment les femmes, les peuples autochtones, les jeunes, les personnes en situation de handicap et les communautés du Sud global qui subissent déjà les effets dévastateurs des bouleversements climatiques.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- le Canada[2]:
- à tripler son financement bilatéral pour le climat pour atteindre 15,9 milliards de dollars pour la période 2026/27 à 2030/31, cinq années cruciales pour maximiser l’action climatique à travers le monde ;
- à fixer des objectifs distincts de financement pour l’atténuation (40 %), l’adaptation (40 %) et les pertes et dommages (20 %) ;
- à privilégier les canaux de distribution susceptibles d’atteindre les populations vulnérables, en conciliant les modalités à l’efficacité.
- le Québec : à assurer le maintien du Programme de coopération climatique internationale (PCCI), un programme qui s’est mérité le Prix de l’action climatique des Nations Unies en 2019 et qui permet la mise en œuvre d’initiatives québécoises visant à lutter contre les changements climatiques au sein de pays francophones.
4. Réformer la gouvernance environnementale mondiale pour garantir la justice climatique
Les grands sommets des Nations Unies sur l’environnement[3] sont parfois accusés de perpétuer l’inaction. Face à l’accélération des crises de la biodiversité, du climat et de la pollution par le plastique, des voix se lèvent pour réclamer une réforme profonde de la gouvernance environnementale mondiale.
En ce qui concerne les COP sur le climat, la CCNUCC a atteint un point de rupture critique. Les négociations sur le climat ont systématiquement échoué à garantir la justice climatique. Elles ont marginalisé les États et les groupes les plus affectés par la crise climatique, les peuples autochtones et la société civile, et ont permis aux pays les plus riches et aux plus grands pollueurs historiques de se soustraire à leurs obligations légales et à leur responsabilité.
L’expansion massive des COP n’a pas débouché non plus sur des décisions meilleures et inclusives ; bien au contraire, elle a ouvert davantage la porte à l’industrie des combustibles fossiles et aux autres grands émetteurs, leur permettant de continuer à polluer en toute impunité et de proposer des fausses solutions coûteuses pour verdir leur image[4]. La gouvernance climatique mondiale est de plus en plus perçue comme déconnectée de la réalité, motivée par des intérêts particuliers, et comme étant en perte de pertinence et de crédibilité.
Un multilatéralisme efficace est essentiel pour traverser ces crises multiples sans laisser personne de côté[5]. Cela nécessite un changement urgent et radical du processus au sein de la CCNUCC, ainsi que des autres conventions et négociations internationales.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États, incluant le Canada: à reconnaître la nécessité d’une réforme profonde du processus des COP, notamment :
- Passer de l’adoption par consensus à l’adoption par vote majoritaire[6]: cela permettrait de mettre fin à la capacité d’une minorité de bloquer les progrès et d’aller vers des résultats plus ambitieux, plus équitables et plus démocratiques. Le processus climatique ne doit plus être pris en otage par les intérêts d’une minorité.
- Garantir un accès équitable, prévisible et significatif aux processus des COP pour les peuples autochtones, les groupes de la société civile (en particulier ceux des pays du Sud), les jeunes, les femmes et les personnes en situation de handicap, le tout conformément au droit du public de participer aux décisions qui le concernent et à l’obligation de transparence des États parties en matière climatique.
5.Renforcer les interconnexions climat-biodiversité pour protéger l’environnement
La crise climatique et celle de la perte de biodiversité sont intimement liées et se renforcent mutuellement. Des études scientifiques parues ces dernières années démontrent cette interdépendance[7]. D’un côté, les changements climatiques entraînent des répercussions néfastes sur la biodiversité, et d’un autre côté, comme les écosystèmes jouent un rôle essentiel en matière d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques, leur perturbation et la perte de biodiversité alimentent, à leur tour, les changements climatiques et leurs conséquences[8]. Par exemple, les activités humaines, telles que la déforestation et les émissions de gaz à effet de serre (GES), ont déjà affecté plus de 75 % des écosystèmes terrestres et 66 % des écosystèmes marins[9]. Ces processus compromettent non seulement la résilience climatique de la planète, mais ils conduisent également à l’extinction d’espèces à un rythme supérieur à celui observé naturellement.
À l’échelle de la gouvernance environnementale mondiale, surtout après l’adoption du Cadre mondial Kunming-Montréal sur la biodiversité (2022), nous assistons à une intégration graduelle des questions de biodiversité dans les négociations climatiques internationales et inversement, des considérations climatiques dans les discussions menées à l’intérieur de la Convention sur la diversité biologique (CBD). Mais il reste encore beaucoup de travail à faire. À la COP29, la biodiversité et son interconnexion avec le climat n’ont été incluses ni dans l’agenda des négociations ni dans les différents textes de décisions adoptés, passant sous silence la nécessité d’intégrer les synergies dans les stratégies climatiques nationales.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États :
- à valoriser l’importance de la biodiversité et à mobiliser des ressources financières pour sa protection, afin d’atteindre les objectifs climatiques. Des recherches montrent que les interventions en faveur de la biodiversité, telles que la protection, le reboisement et la restauration des zones humides, peuvent fournir jusqu’à 37 % des mesures d’atténuation des émissions de carbone nécessaires d’ici 2030. Elles contribuent ainsi de manière significative à limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 °C[10].
- à promouvoir et favoriser la mise en place d’un organe subsidiaire permanent commun entre la CBD et la CCNUCC[11]. Proposée notamment par Greenpeace International, cette instance permettrait de mener des travaux communs entre les deux conventions afin d’implanter des solutions communes aux deux crises écologiques.
- le Canada: à instaurer une plateforme de coordination gouvernementale. Cela se traduirait par la création d’une plateforme nationale regroupant autour d’une même table les différents ministères (environnement, énergie, agriculture, etc.) afin d’aligner les priorités et d’offrir une réponse cohérente et intégrée aux polycrises[12].
6. Reconnaître le rôle clé des peuples et territoires autochtones dans les solutions climatiques
Les peuples autochtones jouent un rôle crucial dans la protection des écosystèmes. Les terres autochtones, représentant environ 28 % de la surface de la Terre, sont des refuges importants pour la biodiversité et abritent une grande partie de la biodiversité restante de la planète[13]. En tant que défenseures et défenseurs de leurs terres, ils jouent un rôle crucial dans la protection des forêts et d’autres habitats naturels qui sont vitaux pour le climat et la biodiversité mondiale.
Les États doivent respecter leurs droits, intégrer leurs savoirs ancestraux et garantir la protection des territoires autochtones afin d’élaborer des stratégies d’atténuation et d’adaptation plus efficaces. Une participation pleine, équitable, inclusive et efficace des groupes autochtones dans les négociations internationales[14], y compris à la COP30, est indispensable pour renforcer l’action climatique mondiale. Cette approche doit s’appuyer sur les principes du bien-vivre, de la solidarité et de l’harmonie avec la Terre.
Ignorer les peuples autochtones, c’est compromettre toute chance réelle de s’attaquer à la crise climatique. Les peuples autochtones ne doivent pas être représentés uniquement comme des victimes, mais comme des acteurs du changement, des porteurs de solutions.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États, incluant le Canada :
- à reconnaître et intégrer les systèmes de connaissances autochtones dans la lutte contre les changements climatiques[15]. Les systèmes de connaissances autochtones et les modes de vie durable des peuples autochtones doivent être reconnus comme des stratégies légitimes d’atténuation, d’adaptation et de restauration de l’environnement.
- à garantir la protection des territoires autochtones en tant qu’action climatique prioritaire[16]. Reconnaître, dans le document d’action de la COP30, que la protection globale des territoires autochtones constitue une action essentielle d’atténuation et d’adaptation au climat. Les territoires autochtones doivent être déclarés comme zones d’exclusion des activités extractives parce qu’il s’agit de zones particulièrement importantes pour la biodiversité, les fonctions et services écosystémiques, en particulier les bassins de l’Amazonie, du Congo et de Bornéo-Mékong-Asie du Sud-Est.
- à établir des indicateurs spécifiques dans l’objectif global d’adaptation qui reflètent la protection globale des territoires autochtones et la reconnaissance de leurs propres systèmes de gouvernance.
- à intégrer la restauration et le rétablissement des territoires autochtones touchés par les changements climatiques dans le programme de pertes et dommages, en veillant à ce que ces processus soient menés sous la direction et la décision des peuples autochtones eux-mêmes.
7. Rompre avec le cercle vicieux de dette, crise climatique et extractivisme
Il existe une forte corrélation entre la crise climatique et la dette des pays du Sud global. L’extraction des ressources naturelles constitue d’ailleurs l’une des principales sources de recettes fiscales, mais elle est également liée à l’endettement ainsi qu’à l’aggravation des impacts environnementaux et sociaux.
Aujourd’hui, ces pays sont contraints de prioriser le remboursement de leur dette extérieure au détriment de leurs engagements climatiques. Autrement dit, au lieu de s’attaquer à la crise climatique et à la perte de biodiversité, ils continuent d’investir dans des industries extractives pour rembourser leurs dettes.
Selon des données officielles de 2022, environ 70 % du précédent financement climatique du Canada est venu sous forme de prêts, et seulement 30 % sous forme de subventions[17], ce qui a endetté davantage les pays vulnérables aux changements climatiques.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États :
- à appuyer la mise en œuvre de mécanismes permettant l’annulation, le moratoire ou la restructuration de la dette : Ces mécanismes devraient être mis à la disposition des pays du Sud global touchés par des événements climatiques extrêmes avec un accès immédiat à des ressources ne générant pas de dette pour couvrir les pertes et dommages[18].
- à s’engager à accorder des financements nouveaux, additionnels et qui ne génèrent pas de dette, pour l’adaptation : Ces financements doivent aller au-delà du nouvel objectif annuel insuffisant de 300 milliards USD fixé lors de la COP29 afin de réagir en temps opportun et à des besoins réels des pays les plus affectés par la crise climatique[19].
- le Canada :
- à augmenter les subventions à au moins 60 % du financement de la lutte contre les changements climatiques : Le Canada ne devrait utiliser que des subventions pour traiter l’adaptation et les pertes et dommages et, par conséquent, augmenter les subventions à au moins 60 % du financement climatique du Canada. Les prêts ne devraient être utilisés qu’en cas de besoin, par exemple pour des projets d’atténuation plus importants dans les pays à revenu intermédiaire, et ne devraient pas dépasser 40 % du financement bilatéral du Canada en faveur du climat[20].
8. Favoriser une implication significative des jeunes dans l’action climatique locale et internationale
Le climat est un enjeu de société qui implique toutes les générations. Toutefois, les jeunes d’aujourd’hui seront plus touchés par les changements climatiques au cours de leur vie que tout autre segment de la population.
Leur implication dans les décisions politiques environnementales est non seulement une question d’équité, mais elle est également essentielle pour une action climatique crédible et ambitieuse. Les États ont la responsabilité d’intégrer leurs innovations et solutions dans les stratégies climatiques, en reconnaissant formellement leur rôle d’agents de changement. Cette reconnaissance doit se concrétiser par un soutien tangible à leurs initiatives et par l’adoption d’une approche qui tient compte des préoccupations intergénérationnelles.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États : à soutenir la participation des jeunes lors du processus des COP. Les États et la CCNUCC doivent garantir aux jeunes des espaces de décision formels et permanents, avec un droit de parole et de vote. Ils doivent également s’engager à adopter le paragraphe 35 (b) et (c) [21] discuté à Bonn lors de la rencontre de l’organe subsidiaire de mise en œuvre (SB62) de juin 2025, qui facilite l’accès à des activités de renforcement des capacités pour les négociateurs, en particulier les jeunes, afin d’accroître leur pouvoir d’action lors des COP. La participation des jeunes ne doit pas être symbolique mais significative, afin de permettre aux jeunes d’influencer concrètement les politiques et les engagements climatiques.
- le Canada : à mettre en œuvre le principe d’équité intergénérationnelle à travers des mécanismes concrets.Le gouvernement doit allouer des ressources financières et structurelles spécifiques pour soutenir la participation active des jeunes, y compris ceux et celles des communautés éloignées, dans l’action climatique. Cela doit inclure des fonds dédiés à leurs initiatives, des programmes de renforcement de capacités, et des mécanismes de suivi pour évaluer l’inclusion effective des perspectives des jeunes dans les politiques climatiques.
- le Québec : à créer un Comité conseil jeunesse permanent sur l’environnement à l’Assemblée nationale, comité qui doit être indépendant, représentatif et adéquatement financé[22]. La jeunesse québécoise se mobilise et demande au gouvernement de passer de la parole aux actes en respectant ses engagements.
9. Promouvoir la souveraineté alimentaire et l’agroécologie
La souveraineté alimentaire et les pratiques agroécologiques proposent un ensemble de réponses au problème de l’insécurité alimentaire, mais aussi de la crise climatique. En effet, la souveraineté alimentaire permet de lutter contre la dégradation de l’environnement et les changements climatiques en privilégiant des pratiques agricoles durables qui préservent les ressources naturelles et réduisent l’utilisation d’engrais et de pesticides nocifs ; en produisant davantage d’aliments au niveau local, ce qui permet de réduire les émissions de carbone liées au transport des aliments importés ; et en s’opposant aux monocultures à grande échelle, qui mènent souvent à la déforestation et à la dégradation des sols.
Les communautés locales possèdent une connaissance approfondie des écosystèmes dans lesquels elles évoluent. Cette expertise est souvent le fruit de générations d’interactions avec la terre et les ressources naturelles. Il est crucial d’intégrer ces connaissances et d’appuyer les pratiques agroécologiques des communautés locales et des ONG pour favoriser la sécurité alimentaire et lutter contre les changements climatiques.
Actuellement, le financement pour la protection de la biodiversité et du climat néglige les initiatives agroécologiques menées par les ONG et les communautés locales. Ces initiatives, qui répondent directement aux défis environnementaux et socio-économiques locaux, devraient être soutenues, non seulement par des fonds adéquats, mais aussi par des mécanismes simplifiés pour les obtenir.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États :
- à reconnaître l’importance des pratiques agroécologiques. Celles-ci favorisent non seulement la durabilité environnementale, mais aussi la souveraineté alimentaire des communautés locales.
- à assurer un financement équitable et accessible. Les pays du Nord doivent allouer des ressources financières suffisantes et un cadre de financement adapté qui faciliteraient la mise en œuvre de solutions durables et innovantes en agroécologie des ONG et des communautés locales.
10. Mettre fin à l’expansion et à l’extraction des combustibles fossiles
La crise climatique actuelle est principalement due aux énergies fossiles. En effet, les combustibles fossiles sont responsables de plus de 75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre[23] et leur exploitation continue compromet gravement les efforts de lutte contre les changements climatiques. L’abandon progressif mais résolu du charbon, du pétrole et du gaz naturel est essentiel pour réduire les impacts dévastateurs déjà observés: événements météorologiques extrêmes, élévation du niveau des mers, perte de biodiversité et insécurité alimentaire, qui affectent de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables, notamment dans les pays du Sud. Sans cet engagement ferme, les objectifs de l’Accord de Paris demeureront inatteignables, perpétuant ainsi les injustices climatiques et mettant en péril l’avenir des générations actuelles et futures. La réduction des émissions est une obligation, pas une option, et les pays du Nord doivent présenter des plans urgents pour éliminer progressivement les combustibles fossiles.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États, incluant le Canada : à renforcer l’engagement mondial à éliminer progressivement les combustibles fossiles et à soutenir la mise en œuvre d’une transition juste et équitable hors des énergies fossiles et vers les énergies renouvelables.
11. Assurer une prise en compte et une participation accrue des personnes en situation de handicap dans les décisions et l’action climatiques
Malgré la reconnaissance croissante des impacts climatiques sur les personnes en situation de handicap, cette prise de conscience ne s’est pas encore traduite en politiques concrètes adaptées à leurs besoins spécifiques. Ce constat est particulièrement préoccupant sachant que près d’un milliard de personnes vivent avec un handicap dans le monde, dont 80% dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.[24]
L’exclusion de cette population vulnérable des politiques climatiques est flagrante : 80% des parties à l’Accord de Paris ne mentionnent aucunement les personnes en situation de handicap dans leurs Contributions déterminées au niveau national (CDN). Parmi les 39 parties qui les évoquent, seules 15 incluent des mesures concrètes pour l’inclusion du handicap.
Cette négligence systémique perpétue la vulnérabilité des personnes en situation de handicap (en particulier les femmes en situation de handicap) face aux changements climatiques et ignore leurs défis spécifiques. Pourtant, leur inclusion dans l’action climatique est essentielle pour garantir des politiques équitables, efficaces et respectueuses des droits humains.
Dans le cadre de la COP30, nous appelons…
- les États :
- à intégrer des références et mesures spécifiques concernant les personnes en situation de handicap dans leurs politiques ;
- à assurer la participation des personnes en situation de handicap, notamment des femmes en situation de handicap, aux processus décisionnels climatiques, par l’entremise de la création d’une circonscription officielle des personnes en situation de handicap;
- le Canada :
- à développer des appels à propositions qui incluent des considérations relatives au handicap et exigent un leadership des personnes handicapées dans le financement climatique international
Présentation de l’AQOCI
Organisme à but non lucratif, l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) regroupe plus de 70 organismes qui œuvrent, à l’étranger, au Québec et au Canada, pour un développement durable, viable et humain. L’AQOCI est un membre actif de la société civile québécoise et assure un leadership auprès des autorités politiques, québécoises et canadiennes, en matière de coopération et solidarité internationales. L’AQOCI participe aux COP sur le climat chaque année depuis 2018 et a assisté également à la COP15 et à la COP16 sur la biodiversité.
#AQOCIBelem2025
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Références
[1] Women & Gender Constituency. 13 mai 2025. A Robust and Progressive Gender Action Plan: An Urgent, Key Milestone for the COP30 Presidency.
[2] Coalition canadienne sur les changements climatiques et le développement (C4D). Juin 2024. Setting Canada’s Five-Year International Climate Finance Pledge for 2026/27 to 2030/31: An Ambitious Good-Faith Contribution to Canada’s Fair Share.
[3] COP sur le climat, COP sur la diversité biologique, COP sur la désertification, les négociations internationales pour un traité international contre la pollution plastique.
[4] Ciel. Juin 2025. Reclaiming Climate Justice: United Call for an Urgent Reform of the UN Climate Talks.
[5] The Club of Rome. November 2024. Open Letter on COP reform to All States that are Parties to the Convention
[6] Ciel. Juin 2025. Reclaiming Climate Justice: United Call for an Urgent Reform of the UN Climate Talks
[7] GIEC. 2023. Climate Change 2023. Synthesis Report
[8]PIRESS. 2025. COP-Climat et COP-Biodiversité : Quelles synergies et comment en profiter ?
[9] IPBES. 2019. Global Assessment Report on Biodiversity and Ecosystem Services.
[10] PNAS. 2019. Natural Climate Solutions
[11] UN Web TV. 2024. Press Conference – Maximising synergies: the urgency of prioritising high integrity ecosystems for achieving the goals of the KM-GBF and the Paris Agreement – United Nations Biodiversity Conference 2024,
[12] Rapport Université de Sherbrooke, PYRESS. 2025. COP-climat et COP-biodiversité : Quelles synergies et comment en profiter
[13] FAO. Peuples autochtones: alliés essentiels pour la durabilité et la sécurité alimentaire.
[14] COICA. 2024. Approval of the Subsidiary Body.
[15] Organisations autochtones du bassin amazonien. 2025. Déclaration politique des peuples autochtones du bassin amazonien et de tous les biomes du Brésil pour la COP30.
[16] Idem.
[17] Canadian Coalition on Climate Change and Development. 2022. Le financement climatique pour la justice climatique.
[18] LATINDADD. 2024. Una mirada regional a la deuda, a la crisis climática y el extractivismo en países amazónicos.
[19] LATINDADD. 2025. Posicionamiento de la campaña “El tiempo se acaba, ¡el futuro es ya!”.
[20] Coalition canadienne sur les changements climatiques et le développement. 2024. Fixer l’engagement quinquennal du Canada en matière de financement international de la lutte contre les changements climatiques pour la période 2026/27 à 2030/31.
[21] Subsidiary Body for Implementation. 2025. Arrangement for intergovernmental meetings. FCCC
[22] AQOCI. 2023. Document de plaidoyer de l’AQOCI pour la COP28.
[23] Climate Action Network International, 2023. Climate Action Network Position: The world needs a fair, fast, full, and funded fossil fuel phase-out.
[24] Humanité & Inclusion Canada. 2024. Disability-Inclusive Approaches to Climate Action.


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