Par Rosemarie Desmarais et Denis Côté
Adopter des mesures qui prennent en compte les enjeux reliés au genre est nécessaire pour répondre aux défis environnementaux et sociaux discutés dans le cadre de la 25e Conférence des Parties (COP). En effet, les femmes sont reconnues comme étant disproportionnellement affectées par les catastrophes naturelles, notamment à cause de la persistance d’inégalités structurelles telles que l’accès généralement inférieur à l’information, à la mobilité et aux ressources financières. Les conséquences des catastrophes naturelles sur les femmes exacerbent les discriminations et incluent notamment des pertes de revenus disproportionnées, un accroissement de la déscolarisation prématurée des jeunes femmes et des mariages forcés.
Ainsi, pour un nombre significatif d’actrices et d’acteurs étatiques et de la société civile à la COP 25, l’importance de continuer à développer des connaissances et outils qui intègrent les perspectives de genre est cruciale. À cet effet, il importe que les femmes soient considérées comme des actrices de résilience climatique et non comme des « victimes passives ».
En effet, nous avons eu la chance d’entendre durant la COP plusieurs femmes qui sont venues nous parler des solutions qu’elles mettent en place afin de lutter pour la justice climatique. Lors d’une conférence intitulée « Le rôle des jeunes femmes des pays du Sud dans la justice climatique », par exemple, les panélistes nous ont parlé de leur projet visant la gestion des matières résiduelles par les femmes au Liban, le renforcement des capacités de jeunes femmes de Madagascar pour qu’elles puissent participer aux négociations de la COP et la mise en place d’un site web (empodera.org) qui permet de partager des solutions mises en place par les gens en Amérique latine pour réaliser les objectifs de développement durable.
La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNFCCC) a donc intégré un Plan d’action pour l’égalité des genres (Gender Action Plan) à son processus à la COP 23 en 2017. Le Plan d’action, qui visait à faire progresser la participation pleine, égale et significative des femmes et à promouvoir une politique climatique sensible au genre et l’intégration d’une perspective de genre pour toutes les parties prenantes à tous les niveaux, a été développé dans le cadre du programme de travail de Lima sur le genre.
Deux ans plus tard, ce Plan d’action pour l’égalité des genres ainsi que le programme de travail de Lima doivent être révisés dans le cadre de la COP 25. Cinq domaines prioritaires ont été mis de l’avant par le secrétariat pour orienter les négociations, soit le renforcement des capacités et la gestion des connaissances et communication, l’équilibre entre les sexes, la participation et leadership des femmes, la cohérence, la mise en œuvre sensible au genre et les moyens de mise en œuvre, ainsi que l’élaboration de suivis et de rapports.
Parmi les enjeux principaux discutés, le financement public de l’adaptation est pour certains pays insuffisant et bloque l’avancement des négociations qui durent depuis maintenant plus d’une semaine. Si on s’attendait à ce que les négociations sur l’article 6 et les pertes et dommages soient assez difficiles, les participantes et les participants à la COP sont plutôt étonnés de constater que les discussions sur le genre ne soient pas encore terminées à ce stade-ci. En effet, les négociations techniques entre bureaucrates se sont terminées lundi soir et le dossier du genre repose maintenant entre les mains de la présidente de la COP 25, Carolina Schmidt.
Tout le monde espère évidemment que le Plan d’action sur l’égalité des genres pourra être adopté d’ici la fin de la COP dans deux jours. Mais même si c’est le cas, est-ce que ce sera suffisant pour garantir les droits des femmes ?
Plusieurs groupes de femmes sont à la COP cette année pour promouvoir une approche écoféministe intersectionnelle afin de faire face non seulement aux changements climatiques, mais à l’ensemble des systèmes d’oppression que représentent le capitalisme, l’extraction des ressources naturelles, l’exploitation du travail, la marchandisation de la nature, le colonialisme, l’impérialisme et le militarisme. Elles proposent un New deal vert féministe reposant sur une série de huit principes et qui vise notamment à prioriser le leadership des femmes, la justice de genre et les droits humains.
Si l’adoption d’un nouveau Plan d’action pour l’égalité des genres à la COP 25 serait certes une nouvelle positive, la véritable solution à la crise climatique et aux crises sociales qui se multiplient à travers le monde réside peut-être davantage dans la transformation des relations de pouvoir proposée par le New Deal vert féministe.
Pour en savoir plus sur l’AQOCI à la COP 25 de Madrid, cliquez ici.
Crédit photo : APWLD
Les commentaires sont fermés.